De « grands connaisseurs », des « innovateurs », ou encore les « initiateurs d’une nouvelle ère musicale », voilà tant d’éloges faites par la presse argentine à ce groupe un peu particulier qui fait un tabac sur la scène tango et qui se dirige vers Vancouver. Cap sur de jeunes prodiges.
34 Puñaladas est un groupe de tango des plus originaux, constitué de cinq Argentins, tous compositeurs : Augusto Macri, Edgardo Gonzalez et Juan Lorenzo à la guitare, Lucas Ferrara au « guitarron », cette basse à six cordes typique d’Amérique Latine, et Alejandro Guyot au chant.
Ils vont justement se produire à Vancouver pour la première fois le 7 avril dans le cadre des séries Cap Global Roots de l’Université de Capilano, qui invite les meilleurs groupes acoustiques du monde entier. L’occasion unique de les découvrir et de se pencher sur l’univers contemporain du tango.
34 Puñaladas: un style à part
Dès leurs débuts à Buenos Aires en 1998, les cinq virtuoses ont puisé leur inspiration dans les racines du tango des années 1920, préférant les thèmes sombres tels que la drogue, la violence, le vice, ou encore la tristesse. On comprend alors mieux l’origine de leur nom, « 34 coups de poignard ».
à travers leur dernier CD, Bombay Bs. As., sorti en 2009, le groupe s’est fait remarquer par son style unique, puisant ses racines dans la riche tradition du tango. à leurs débuts dans les années 1990, la scène musicale du tango n’avait pas bonne mine, explique Edgardo Gonzalez, un des guitaristes.
« Les décennies précédant les années 90 ont été les pires de l’histoire du tango. Après les années glorieuses des années 40 et 50, la popularité a progressivement chuté et a touché le fond dans les années 80. à ce moment-là, le tango n’était connu qu’à travers la danse » dit-il.
Le groupe se lance alors l’immense défi de reconsolider le genre, et mène un travail de fourmi pour retrouver les groupes de tango oubliés. « Au cours de nos premières années, nous avons
presque fait un travail de traducteurs. Nous avons mené un chantier archéologique pour redécouvrir ces groupes… » raconte Edgardo. « C’est drôle, de cette façon nous avons à la fois appris les secrets du tango et également injecté à cette musique notre propre touche. »
C’est ainsi que leur style musical si particulier se forme, né de la juxtaposition inattendue de la tradition et de la modernité.
D’après Edgardo, ce mode de travail qu’il qualifie de schizophrénique a donné naissance à leur propre langue, clé de leur réussite. « Cela a formé le pilier de base de notre groupe. Le défi, c’était de dépoussiérer le tango, qui était alors vu comme archaïque, et d’en faire un genre contemporain. Le succès retentissant de notre premier album en tant que compositeurs, Bombay Bs. As. (2009), nous a comblés. »
Bombay Bs. As. est un album surprenant qui traite de façon poétique de la problématique urbaine, et les adeptes de la musique tango s’accordent pour le placer au rang des oeuvres les plus importantes du genre. « Obscur, innovateur, ramenant la tradition au goût du jour et profond comme un coup de poignard… 34 Puñaladas se plonge dans les tréfonds les plus sombres de l’âme de la ville » écrit Pagina, le quotidien de Buenos Aires.
La réputation du groupe argentin n’est plus à faire. Celle du tango contemporain, par contre, a encore un peu de chemin à parcourir.
Le tango et l’industrie musicale
Les temps ont été durs pour la musique tango, qui a connu de meilleurs jours au cours du siècle dernier. Edgardo rapproche cette situation à celle du jazz, devenu lui aussi plus exclusif, et associé à une époque révolue. « Tout comme le jazz, la musique tango garde plus de sa célébrité que de sa popularité. Tout le monde a vaguement entendu parler du tango, mais ne connaît pas vraiment les artistes contemporains » explique-t-il.
Réservée aux adeptes inconditionnels du genre, la musique tango a alors peu à peu disparu, remplacée par des styles plus universels. « De nombreux genres musicaux traditionnels ont disparu pour laisser place à une culture anglophone. Le principe, au nom de la mondialisation, c’était la fusion des genres. La situation s’est déséquilibrée. Les musiques émergentes apportaient leurs idées nouvelles à la culture centrale, en échange d’une infime visibilité sur le marché mondial » explique Edgardo.
Que l’on s’en réjouisse ou pas, la crise de l’industrie musicale a légèrement rééquilibré la situation en permettant aux productions indépendantes de se développer. « Aujourd’hui, il est possible d’arriver à une carrière internationale sans l’aide des grands labels. 34 Puñaladas en est un exemple » ajoute Edgardo.
Et Vancouver dans tout ça ?
Mais alors, si le genre retrouve de sa popularité, où sont donc les adeptes du tango à Vancouver ?
Ils sont bien là, les fanatiques du tango, et ils se retrouvent tous les week-ends dans les salles de danse pour pratiquer leur art au son de ce latin jazz. Mais ça n’a pas toujours été le cas, comme nous l’explique Susana Domingues, professeur de danse et fondatrice de Tango Vancouver.
« Lorsque que je suis arrivée à Vancouver en 1996, un petit groupe de tango avait déjà commencé à se former. Au mieux, nous étions 50 à danser. Mais pendant de nombreuses années, j’ai cru que la scène tango de Vancouver ne pourrait pas attirer plus de monde » dit-elle. Elle a alors travaillé d’arrache-pied pour développer cette communauté, en faisant venir des professeurs directement d’Argentine.
« Je crois que cela a permis de faire grandir la communauté. Mais il n’y pas que ça. D’après mon expérience, les gens tombent amoureux du tango dès qu’ils l’essaient » explique Susana.
Le tango est maintenant bien présent à Vancouver, alors, que vous soyez danseur ou mélomane, découvrez ou redécouvrez ce genre oublié. Entre le concert de 34 Puñaladas et les cours de danse de Susana, les occasions ne manquent vraiment pas de redonner à la tradition un goût de modernité.
Concert de 34 Puñaladas
le 7 avril 2013 à 20h
Presentation House Theatre
333 Chesterfield Avenue, North Vancouver
Billetterie : 604-990-3474
Tango Vancouver
avec Susana Domingues
Agenda
Sam Sullivan’s Public Salon
(en anglais)
Vancouver Playhouse
Mercredi 3 avril, 19h30–21h, les portes ouvrent à 18h30
www.globalcivic.org/public-salons
Venez écouter les idées inspirantes de huit orateurs et oratrices au cours du Public Salon, un évènement ayant lieu tous les deux mois. Cette fois-ci, on y partagera l’expérience d’une physicienne, d’un psychologue canin, d’une agricultrice urbaine, d’un architecte, d’un chercheur en langues, d’un maître du shakuhachi (flûte japonaise), d’un écrivain et d’un cardiologue.
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Concert Jazz de BIG G
Cellar Jazz Club
Vendredi 5 avril, samedi 6 avril et dimanche 7 avril à partir de 19h
Ne ratez pas le passage à Vancouver du saxophoniste new-yorkais de grande renommée BIG G (de son vrai nom George Coleman) pour un moment de jazz en hommage au musicien Ross Taggart.
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Hot Panda en concert
Biltmore Club
Samedi 23 mars à 20h
10$
Hot Panda (oui, le panda chaud !), est un jeune groupe vancouvérois pétillant qui régalera vos tympans et animera la piste de danse du Biltmore de leur musique indie punk.