Du 9 mars au 2 juin, la Vancouver Art Gallery présente un ensemble de photographies de Patrick Faigenbaum réalisées des années 1970 à nos jours.
Cette exposition est la quatrième d’une série commissionnée par le fameux photographe vancouvérois, Jeff Wall, et la directrice de la Vancouver Art Gallery, Kathleen Bartels. Auteur d’une œuvre déjà conséquente et renommée, c’est la première fois que le travail de Patrick Faigenbaum est exposé à Vancouver. La ligne directrice de cette série d’expositions, explique Jeff Wall, est de présenter des artistes « qui réalisent des images » par les moyens plus ou moins conventionnels de l’art tels que la photographie pour l’exposition de Patrick Faigenbaum.
Portraitiste des familles et des villes
« Je me considère comme un portraitiste » affirme le photographe parisien. Les photographies de Patrick Faigenbaum se présentent comme des tableaux. Par les sujets, les formats et les techniques, Faigenbaum impose un rythme à son œuvre. Reste une constante : celle du portrait. Qu’il photographie des figures humaines ou des paysages urbains, une figure de chair ou de pierre, il s’agit toujours de portraits.
Il réalise d’abord à Rome, à Florence, et à Naples des portraits, en noir et blanc, des empereurs romains du musée du Capitole et du Vatican puis des portraits mettant en scène des familles de l’aristocratie italienne, qui feront sa notoriété. Il photographie ensuite sa famille et sa belle-famille dans leurs lieux d’origine ou de résidence à Lys-Chantilly, à Paris et à Santu Lussurgiu en Sardaigne.
Son intérêt premier pour la figure humaine et les généalogies familiales s’élargit dans les années 1990 aux villes : Prague, Brême, Tulle et plus récemment Barcelone et Paris. Ses prises de vues urbaines l’amènent à travailler simultanément le noir et blanc et la couleur. Celle-ci, jusqu’alors laissée de côté, « apporte un autre type de précision que le noir et blanc, elle permet de mieux capter la vie et le mouvement », explique-t-il.
« La couleur en photographie est comme le son électrique en musique », ajoute-t-il. Patrick Faigenbaum pense ici à la musique de Bob Dylan transitant de la guitare folk à la guitare électrique.
Avec la couleur, les vues urbaines introduisent également dans l’œuvre de Faigenbaum la diversité. Un portrait au sens conventionnel du terme présente une forte unité thématique : il s’agit de photographier un individu, une famille. Tandis que photographier la ville, c’est aussi photographier la diversité.
C’est dans leur rapport les unes avec les autres, par le procédé du montage et de l’accrochage que les photographies de Patrick Faigenbaum acquièrent toute leur dimension. Telles des portraits, ses photographies révèlent le caractère d’un lieu, d’une société et de son histoire.
Une Europe en transition
Les sujets que Faigenbaum photographie sont campés dans leur territoire : des familles de l’aristocratie italienne, des gitans dans Prague, des habitants de Kibboutz en Israël, des paysans de Tulle.
Entre actualité et passé, l’œuvre de Patrick Faigenbaum porte une dimension à la fois descriptive et documentaire. Il semble retracer la filiation des habitants des villes qu’il photographie: dans la série de Tulle, différents membres d’une même famille sont photographiés.
Les personnes et lieux qu’il fixe sur la pellicule évoquent à la fois une actualité et la mémoire d’un passé. Généalogies d’un lieu, les photographies de Patrick Faigenbaum sont révélatrices des changements socio-économiques de l’Europe.
Jeff Wall explique que « les photographies de Faigenbaum peuvent être comprises comme des images qui parlent de l’Histoire, qui révèlent des aspects importants de l’identité et de la classe sociale de ses sujets ». Il photographie ce qu’il reste des palais détériorés de l’aristocratie italienne et leur descendance fière de tenir son rang. Faigenbaum fait des allers-retours entre le passé et le présent.
C’est hanté par Kafka qu’il photographie Prague et ses habitants: « Lorsque j’étais dans Prague, je pensais constamment à Kafka, au fait que je marchais sur ses pas ». Il confie : « Quand je me retrouve face à mon travail je pense à la nouvelle de Kafka, Un célibataire entre deux âges l’histoire d’un personnage qui rentre chez lui et trouve deux balles qui rebondissent de leur propres gré. »
Jeff Wall décrit les ensembles de photographies présentés dans chaque salle de l’exposition comme des bouquets. Les œuvres de Patrick Faigenbaum sont à la fois autonomes et interdépendantes. Chaque photographie peut être regardée séparément mais elle dit encore autre chose lorsqu’elle est observée dans son bouquet. Sur le mur de l’exposition, les portraits rebondissent aussi de leur propre gré.
Patrick Faigenbaum
du 9 mars au 2 juin 2013
Vancouver Art Gallery