Je vis en Colombie-Britannique depuis près de cinquante ans. Est-ce le hasard ou le destin qui m’y a amenée ?
Ma vie était des plus ordinaires au Québec : j’ai enseigné en région puis à Montréal. En 1958, une collègue de travail avait, comme moi, deux mois de vacances. Elle désirait rendre visite à sa sœur qui habitait sur l’île de Vancouver et cherchait une amie pour l’accompagner. Je me suis portée volontaire.
Nous avons voyagé avec La Liaison française qui nous a organisé un aller avec un premier groupe, un retour avec le suivant, et un séjour sur l’île entretemps. Je n’avais jamais vraiment pris le train, sauf une petite heure ici et là. Ce fut un voyage rocambolesque, une aventure merveilleuse du début à la fin et notre accueil sur l’île fut des plus chaleureux.
Quatre ans plus tard, j’entraîne mon mari visiter tous ces lieux enchanteurs et l’année suivante, soit le 1er juillet 1963, nous empilons le nécessaire dans une camionnette et nous entamons le grand déménagement vers l’île de Vancouver. Je dois ajouter un détail : je me suis mariée avec le frère de ma meilleure amie donc, nous retrouvons une partie de la famille qui demeure à Campbell River. Mon mari Raymond n’a pas de métier spécifique, mais venant de la campagne il sait à peu près tout faire, il peut s’adapter facilement. Au cours de ces années, on trouvait du travail facilement et dès le mois de septembre, il sera embauché au « moulin à scie » où il travaillera durant 25 ans jusqu’à sa retraite.
Au printemps suivant, fin avril, nous retournons au Québec récupérer le reste de nos biens. Lors de notre départ l’année précédente, nous avions fait un pieux mensonge à nos parents, disant que nous ne partions que pour un an et peut-être aussi pour cacher notre incertitude vis-à-vis de ce changement. Nous laissons l’Ouest vert et fleuri et arrivons dans l’Est devant un paysage gris aux arbres dénudés. À Montréal, nous avions déjà oublié à quel point tout le monde semble pressé et soucieux d’être bien vêtu, à la mode; nous venons de passer dix mois comme si nous étions au chalet dans une atmosphère détendue. Nous avons la confirmation que nous avions fait un bon choix.
Nous retournerons dans l’Est environ tous les trois ans en vacances pour rendre visite nos familles respectives et faire connaître à nos enfants notre lieu d’origine, mais n’avons jamais aucune hésitation vers un retour définitif.
Cependant, une ombre demeure au tableau : la langue. Si nous parlons français entre nous, nous devons parler anglais la plupart du temps. La télévision, la radio, les journaux, etc. : c’est une immersion anglaise totale. Il a fallu attendre quinze ans pour voir surgir l’association francophone. C’est à ce moment que j’ai réalisé que mon français s’était grandement dégradé. Depuis, je m’y intéresse sérieusement et prends une part active non seulement dans l’association, mais aussi dans l’établissement du programme-cadre de français. Mes enfants ont pu étudier en français au niveau élémentaire, aujourd’hui le programme est prolongé jusqu’au secondaire, nous avons plus d’un poste télévisé en français et une bibliothèque bien garnie au centre francophone. Avec l’association francophone de Campbell River, nous rencontrons beaucoup d’amis et nous vivons presque en français en harmonie avec une population anglophone.