En avril, ne te découvre pas d’un fil… Oui, mais lorsqu’il fait 25 degrés Celsius en plein mois de mars, que fait-on ?
Réchauffement climatique ? Les spécialistes vous diront que c’est très probable mais moi, j’ai entre les mains une photographie extérieure prise le 30 mars 1986, alors âgée de 12 ans, un certain dimanche de Pâques, vêtue d’une simple petite robe de coton fleuri. Non, non, je ne suis pas en Jamaïque mais bel et bien ici, au Canada !
Quand je regarde cette photo, j’ai le souvenir d’un rassemblement familial comme je n’en ai pas vécu depuis que mes grands-parents sont décédés. Deux parents, 18 enfants, 15 conjoints et 27 petits-enfants qui jacassent, rigolent et boustifaillent dans chaque petit recoin de cette authentique maison de campagne. 62 PERSONNES !!! Les femmes endimanchées d’une nouvelle robe d’été étaient de bonne humeur et sentaient bon le printemps. Les hommes rassemblés discutaient politique et hockey en élevant parfois la voix et en rigolant de bon cœur, bière aidant. Et nous, les petits-enfants, courrions, criions et nous amusions sur le vaste terrain boueux pour l’occasion… j’avais mes nouveaux souliers blancs ! Je revois la mine ulcérée de ma mère quand je suis enfin entrée pour recevoir mon lapin de Pâques… heureusement que nous étions en visite !
Pâques est donc demeuré pour moi, un grand moment de rassemblement familial mais surtout, la fête du chocolat ! Le bonheur ultime après l’interminable carême, la délectation tant espérée de pouvoir enfin croquer dans les oreilles d’un lapin en chocolat sans autres explications… un pur moment de délice !
Mais les choses ont quelque peu changé depuis Pâques 1986, à commencer par la grosseur des familles. Deux parents, deux enfants, un conjoint, 0.8 petits-enfants, deux chiens et trois perruches…! De plus, je dois souligner la mort du carême qui avouons-le, créait l’attente et donc, doublait le plaisir de l’évènement. Alors, pour recréer un peu de cette magie de Pâques avec mes enfants, qui n’avaient pas de cousins pour courir sur le terrain et qui devaient endurer bien souvent tuque, manteaux et bottes d’hiver à Pâques, j’ai décidé de mettre sur pied une chasse aux œufs débutant dans la maison et se terminant à l’extérieur. Comme ils ne savaient pas lire au début, j’avais imprimé des traces de pas de lapin que j’avais ensuite découpées et collées durant la nuit, un peu partout dans la maison. Chaque trace de pas menait à un œuf caché pas très loin ! Je vous le confirme, c’était une idée de génie ! En plus de les rendre complètement euphoriques, j’ai eu droit à une heure de plus pour dormir ce matin-là parce que le temps qu’ils trouvent et récupèrent tous les œufs… vivement la même chose pour les trois années suivantes !
Puis il a fallu corser un peu le principe du jeu pour que la chasse perdure, alors pour trouver l’œuf, ils devaient maintenant répondre à une énigme… et des énigmes, croyez-moi qu’il y en avait car Jeannot Lapin adorait laisser maman dormir le matin ! Mais voilà qu’un certain midi, après le congé de Pâques, fillette de retour de l’école me posait l’énigme suivante, sur un ton bien désappointé : « Maman, pourquoi Jeannot Lapin il vient chez nous et pas chez mes amis? »
Houla… vous voyez le malaise ? Je n’avais pas imaginé un seul instant que ma fille allait raconter ça à l’école et qu’en plus, elle se retrouverait seule à avoir une mère complètement schizophrène ! Bravo pour la création d’un monde imaginaire, j’allais certainement faire de mes enfants des inadaptés sociaux. Elle avait six ans à l’époque et je ne voulais pas être celle qui allait briser sa bulle. J’ai donc pris mon courage à deux mains et lui ai répondu avec toute la sagesse dont j’étais capable : « C’est parce que nous sommes les seuls du quartier à avoir des lapins et que nos lapins sont les cousins de Jeannot ! » Aucun commentaire s.v.p. survie exige !
En effet, tous les ans, nous achetions deux lapins de ferme aux enfants que nous mettions dans une cage à l’extérieur. Cette même journée, après l’école, quatre amies de la classe de ma fille se présentaient à la maison pour me demander : « Il paraît que vos lapins donnent des œufs en chocolats et nous aimerions en avoir nous aussi ! » …on récolte ce que l’on sème semble-t-il.
Mais l’année suivante fût un choc brutal. Toujours au retour de l’école, après le congé de Pâques, ma fille insultée me lançait complètement hors d’elle-même : « Maman ! Tout le monde a ri de moi quand j’ai raconté que Jeannot Lapin était venu chez-nous déposer des œufs ! Franchement ! T’aurais pu me le dire que c’était pas vrai !» heeee…. Ha oui ? Vraiment ? Cette année-là, le détecteur de mensonge portatif, Mme Gertrude, tenancière d’une maison de redressement pour les enfants impossibles, le Bonhomme 7 heures, le Père-Noël, la Fée des dents et Jeannot Lapin ont disparu du monde des réels.
Mais aujourd’hui, quand mes enfants parlent de Pâques, le plus beau souvenir qu’ils en ont est une incroyable chasse aux œufs qui durait des heures et des heures avec une prodigieuse récolte de mini-œufs en chocolat et un hyper-giga-méga-gros lapin de chocolat à la fin ! (Il n’était pas si gros que ça mais enfin…)
Comme quoi, les temps changent mais l’important de la fête demeure : le chocolat !
Joyeuses Pâques chocolatées !