Le flamenco à la mode perse

Bobak Salehi, musicien d'origine perse | Photo par Imam Khalili

Bobak Salehi, musicien d’origine perse | Photo par Imam Khalili

Le 24 mai, Zyryab ouvrira le 9e festival international annuel de Flamenco Jondo. Une soirée unissant la danse, la musique et la poésie perses et flamencos et accueillant des artistes mondialement reconnus de l’Iran, de l’Espagne, du Canada et des États-Unis. Le festival cherche à remettre en valeur le flamenco dont « on oublie les racines », selon le fondateur de l’évènement.

Racines perse et flamenco

Pirouz Ebadypour « de Caspio » est une véritable encyclopédie musicale. Le fondateur du festival raconte avec une aisance autorité l’histoire du flamenco et ses origines dans le Golfe persique. Mélanger la musique flamenco avec la musique perse n’est pas aussi étrange que l’on pourrait croire. Les racines, les rythmes et l’âme improvisatrice du flamenco viennent de son ancêtre iranien.

Ebadypour, né en Iran et formé dans la tradition classique au violon et au chant, apprit la guitare et son appréciation de la musique flamenco en immigrant au Canada. Il constate que la musique perse créa la fondation du flamenco aussi loin qu’en 870 après. J.-C. lorsque Zyryab, un homme d’esprit universel polymathique, migra de la ville de Chiraz en Perse à Cordoba, en Espagne.

« Depuis, cette connexion a toujours été là » explique-t-il.

Les points de rapprochement entre ces deux musiques sont nombreux. Les instruments, la disposition des musiciens sur scène, l’improvisation, la danse et même les paroles des chants sont semblables. À leur base on trouve la gamme phrygienne, le rythme 6/8, et même les palmas.Bobek Salehi, musicien américain d’origine perse jouera la vièle à pique iranienne, le kamancheh, ainsi que le violon électrique et le setar perse, non à confondre avec et le sitar indien.

Pour Salehi, le flamenco d’aujourd’hui, « c’est déjà fusion » citant Ojos de brujo – le groupe nord-africain qui parsème le flamenco de reggae, de hip-hop, de rock et de la musique électronique. Selon lui, beaucoup d’éléments de la musique perse n’ont pas besoin d’ajustement pour qu’ils fusionnent avec le flamenco, et vice versa.

Entre rythmes connus et improvisation

Lindsey Ridgway, danseuse sama

Lindsey Ridgway, danseuse sama

Salehi explique que les musiciens de Zyryab ne se réuniront pour la première fois que quelques jours – voire quelques heures – avant le festival, pour montrer comment des artistes ne s’étant jamais rencontrés peuvent produire cette musique très improvisée. En flamenco, il y a des bouts de mélodie connus et appris tout comme dans la tradition perse. Ce sont les danseurs et chanteurs qui dirigent les autres musiciens. Il y a des éclats de mélodie, mais les patrons rythmiques sont connus. « Nous ne serons pas complètement des étrangers, il y a un chevauchement de connaissances ;

même si nous ne nous sommes jamais rencontrés personnellement, artistiquement nous nous connaissons déjà très bien. » Les similarités sont plus profondes pour Ebadypour: « ce n’est pas seulement musical, c’est culturel, cet entrelacement expérientiel dans le chant et dans le rythme ».

Zyryab servira également à mettre en valeur des interprètes femmes dans la tradition de la danse perse.

Le chant guidé par la danse

La danse représente donc le point de repère le plus important. Les letras, les paroles du chant flamenco, seront en effet « dictées » par la danse, servant d’atlas de route pour les autres musiciens. Les letras de Zyryab s’inspireront de la poésie de Garcia Lorca et du poète soufi, Rumi. Le mélange de danse flamenco et de danse mystique sama des derviches dirigera donc la musique, « circulaire » selon le guitariste de San Francisco, Ricardo Diaz.

Les harmonies en cercle peuvent être développées pendant des heures. C’est une danse et une musique « sans format, sans début ni fin ». Labulería de flamenco que connaît si bien Diaz est semblable au « zone circulaire » de la tradition perse. Pour lui, c’est « une fusion très intéressante, cette alliance naturelle d’harmonie, de musique et de gouts ».

Ebadypour espère ainsi toucher la conscience de la communauté immigrante perse à Vancouver sur le lien qui unit la musique perse et le flamenco. L’année prochaine, il espère avoir encore plus de danses régionales perses ; il collabore déjà avec le Vancouver Pars National Ballet, un groupe de danse farsi installé ici depuis plus de 30 ans.

De son côté, Salehi reconnaît la richesse de la scène flamenco de Vancouver, même si on se trouve bien loin de l’Espagne. Il se souvient bien d’une jam session mémorable avec un joueur de violon vertical chinois après un concert. Il aime parler de Vancouver comme une véritable « Organisation des Nations-Unies de musique », dont le festival Jondo flamenco ne serait qu’un exemple parmi d’autres.

 

9ème festival annuel international Jondo Flamenco

A partir du 24 mai 2012

Fei & Milton Wong Experimental Theatre

Goldcorp Centre for the Arts

Co-presenté par SFU Woodward