C’était le vendredi précédant Pâques : Jour saint dans le calendrier catholique. Une foule fervente représentant une mosaïque de fidèles envahit l’église où le prêtre célèbre la messe en anglais. Un autre son de cloche retentit pour la messe dite en français. L’assistance cette-fois ci est maigre. L’évidence est flagrante… La communauté catholique francophone perd ses fidèles comme un chapelet qui s’égrène dans le sablier du temps…
Le père Patrick Chisholm de l’église Notre Dame de Fatima à Coquitlam, l’une des deux églises qui offrent des messes en français, affirme que les messes en anglais attirent plus de 1000 personnes (toutes communautés confondues) tandis que celles en français disposent d’une faible audience de moins d’une centaine de personnes. « La communauté francophone ici devient vieillissante et la démographie est en constante évolution » nous livre le Père Chisholm. En effet, ne pouvant plus se permettre financièrement d’habiter cette région huppée de Coquitlam, beaucoup de paroissiens francophones déménagent dans les environs de Maple Ridge et sont remplacés par d’autres communautés.
Quand la croyance se conjugue au temps présent…
Si les francophones, particulièrement les jeunes, désertent les églises, ce n’est pas uniquement pour une question de proximité. Diane, professeur de français installée à Vancouver depuis une quinzaine d’années est formelle « Nous sommes croyants dans ma famille et cela depuis des générations. Toutefois, je ressentais le besoin de chercher autre chose que ma religion ne pouvait plus me donner. » Cela fait deux ans qu’elle a rejoint un culte qui semble donner à sa vie un nouveau but et un sens, tout en prenant au sérieux ses expériences spirituelles intenses.
Nombreux sont ceux, à l’instar de Diane qui, las d’un système théocrate rigide, vont s’initier aux petites religions émergentes. Toutefois, que ces dernières tirent leurs éléments fondamentaux dans les trois grands systèmes religieux, soit les traditions abrahamiques, yogiques et primitives.
Tandis que les religions abrahamiques (le christianisme, le judaïsme et l’islam) sont celles qui font remonter leur tradition religieuse au patriarche d’Abraham, les religions dites yogiques sont celles dont la dévotion est centrée sur la pratique du yoga, ou de la méditation, et dont l’origine remonte aux traditions religieuses de l’Inde. Les religions primitives, notamment celles des autochtones d’Amérique du Nord et les religions africaines, sont axées sur des expériences religieuses fondamentales, comme les songes, les visions, les expériences extra-corporelles et l’intervention des ancêtres dans la vie quotidienne.
D’après cette typologie simplifiée, l’Église de Scientologie, qui insiste sur le rôle du fondateur, Ron L. Hubbard, en tant que médiateur spirituel, serait une religion à la fois primitive et yogique.Ce mouvement qui jouit d’une grande popularité sur la Côte Est et compte l’adhésion de bon nombre de célébrités s’accroît de jour en jour en Colombie Britannique, avec un nombre grandissant de francophones. Au cœur de controverses il y a quelques années de cela, cette nouvelle religion plane sur des eaux calmes en Amérique du nord. Jean-Philippe, initié depuis trente ans, démystifie les zones sombres du dogme : « je suis plus serein dans ma conception de la vie. Je comprends désormais le fonctionnement et la réactivité du mental. J’ai l’espoir que le monde ne va pas sombrer dans la destruction car nous disposons des moyens d’éduquer la population et rehausser la moralité ». Nadine, jeune initiée, défend les principes humanitaires ancrés chez les scientologues. « Nous sommes toujours présents dans les moments difficiles et les catastrophes, et les célébrités scientologues viennent en aide aux sinistrés ».
Un autre groupe important de la Colombie-Britannique, d’orientation essentiellement yogique, est celui des Emissaries of Divine Light qui dénombre quelques âmes francophones, peu nombreuses. Catherine, adepte, pense ainsi que rien n’arrive par hasard dans la vie et que toute chose prend naissance dans un dessein spirituel profond.
Une pléthore de cultes
Il y aussi de ces petits cultes discrets mais bien installés qui attirent bon nombre d’initiés. Le Quan Yin (qui joue sa carte maîtresse sur la contemplation de la lumière intérieure) est parmi ceux-ci. Florence, catholique mais également disciple du maître Ching Hai depuis de nombreuses années affirme : « grâce à la Méthode Quan Yin, j’atteins ma pleine humanité pour rejoindre la divinité ! Je n’ai jamais abandonné le catholicisme, bien au contraire, j’en bénéficie puisque j’en saisis les enseignements de l’intérieur. »
S’il faut reconnaitre l’apport social de tels groupes sur le plan des réformes et du bien-être et si un éventail de ces petites religions puis dans l’essence du mysticisme, d’autres se concentrent sur des caractères plus pragmatiques de la société.
Ainsi, la foi bahà’ie qui est parmi les plus jeunes des religions universelles indépendantes fonde ses doctrines sur l’établissement de la justice dans les intéractions sociales. Ce mouvement fondé sur les 12 préceptes à caractère purement humanitaire, compte quelque 5 millions d’adeptes à travers le monde, toutes races et cultures confondues, dont 30,000 sur le territoire canadien. Phénomène intéressant qui démontre que 18% de cette communauté est d’origine inuit et aborigène tandis que 30% provient de la population d’immigrants, comprenant une grande majorité de francophones.
Claire, jeune bahà’ie d’origine belge explique que l’enseignement des valeurs est effectué chez les enfants à partir du plus jeune âge. La déclaration officielle pour l’intégration ne se fait qu’à l’âge de 15 ans où l’initié accepte la foi bahà’ie. Cependant, ce dernier a le libre choix à l’âge de 21 ans, soit de confirmer ou de retirer sa déclaration s’il ne se sent plus d’affinité avec cette foi.
Si les mutations religieuses sont légions dans la communauté francophone, il y a aussi ceux qui ont tout simplement abandonné toute forme de religion. Jean-Pierre, installé à Victoria est catégorique. « Je ne fréquente plus les églises car je connais par cœur les discours répétitifs. Je prie dans mon for intérieur pour un monde sincère et unifié et pour que les gens se respectent. »
Céline, éducatrice en santé mentale qui vit à Nanaimo depuis deux ans, ne croit en aucune religion. « Il y a beaucoup de choses dans le monde sur lesquelles les religions sont incapables de donner des explications claires et nettes ». D’origine parisienne, elle relate sa triste expérience de la foi catholique : « enfant, j’étais interdite dans les écoles catholiques privées parce que mon père est irlandais et cela malgré le fait que ma mère elle, était catholique ».
La religion ne serait-elle finalement pas qu’un miroir à mille facettes ? Sujet de réflexion pour ceux qui affectionnent la méditation, nouvelle bible incontournable…