Créer sa propre entreprise à Vancouver : pourquoi pas ? C’est en tout cas l’alternative que choisissent de nombreux jeunes immigrants francophones, dans un environnement où décrocher un « job » qualifié ou dans son domaine de compétence relève parfois du parcours du combattant.
Culture entrepreneuriale
Diplôme en poche, seconde langue confiante et tête pleine de rêves de succès, nombreux sont les jeunes francophones qui font la démarche d’immigrer dans l’Ouest canadien dans l’espoir de faire un pas en avant dans leur carrière. Mais l’atterrissage peut s’avérer difficile et la réalité frappe parfois brutalement : le marché du travail est plus complexe qu’il y a dix ans et les recruteurs de plus en plus exigeants en Colombie-Britannique.
La province a toutefois plus d’un tour dans son sac pour leur donner une bonne raison de rester. À ceux qui jouent de débrouillardise, une option : la création d’entreprise.
« Tout est mis en place pour que créer et gérer une entreprise soit très simple, rapide et pas cher », confirme Thierry Barbier, conseiller aux entreprises et aux entrepreneurs à la Société de développement économique (SDE). « On peut créer sa société en 15 minutes sur internet et sans avoir besoin d’intermédiaire », illustre-t-il. La Colombie-Britannique se distingue par là des autres provinces canadiennes et devient « sans doute l’un des endroits au monde où il est le plus facile d’entreprendre » annonce le conseiller.
Lui qui rencontre plusieurs centaines d’entrepreneurs chaque année, correspondant à des dizaines de millions de dollars de chiffre d’affaires, observe toujours un afflux de demandes. Une tendance qui reflète le dynamisme du secteur, et qui n’est pas étrangère au fait que le Canada est un pays jeune et la Colombie-Britannique une province dont l’économie est basée sur les petites entreprises.
C’est à l’automne dernier que Marie Roussel, 29 ans, a décidé de monter la filiale nord-américaine de son entreprise spécialiste de la réglementation européenne, notamment chimique et cosmétique. « Notre choix s’est porté sur Vancouver afin de bénéficier des procédures administratives et légales simplifiées. La création d’une société fut d’une facilité déconcertante » explique-t-elle. Si elle a profité des conseils de la SDE, elle a également sollicité des structures locales : « Small Business BC a su répondre aux nombreuses questions que je me posais quant à l’approche canadienne, via des ateliers pratiques animés par des professionnels : comptabilité, média sociaux, recherche de marchés ».
Loin d’être un privilège réservé aux immigrants, les jeunes Vancouvérois anglophones aussi jouent le jeu de l’entreprenariat, tant la pratique est ancrée dans la mentalité et la culture britanno-colombienne.
État d’esprit
Jules* a vu en Vancouver l’opportunité idéale pour concrétiser son projet et enrichir son expérience en Colombie-Britannique : « j’ai vite réalisé que trouver un poste à responsabilité dans mon secteur, la gestion des risques et des crises, serait difficile, Vancouver accueillant peu de sièges sociaux d’entreprises. L’idée de créer ma société me trottait dans la tête depuis longtemps. C’était maintenant ou jamais! » s’enthousiasme-t-il. Il est depuis quelques mois à la tête de son entreprise d’importation d’accessoires de mode, qu’il commercialise ici à travers des réseaux de magasins de mode et en ligne via un site internet.
Dans le cas de Jules, l’accessibilité du marché a également pesé dans la balance : « par son ouverture sur l’Asie et sa proximité avec les États-Unis, Vancouver est un carrefour pour faire des affaires. Le marché nord-américain à lui seul est énorme : il représente près de 300 millions de consommateurs potentiels » annonce-t-il.
Marie avoue avoir été surprise de voir des entreprises tenues par des jeunes fleurir autour d’elle. « Cela constitue une différence frappante avec la France où entreprenariat rime avec risque, investissement, et profil mûr », révèle la jeune européenne.
Pour le conseiller à la SDE, l’expérience parle : « il ne suffit pas de profiter d’un contexte favorable ; il faut avant tout avoir un état d’esprit entrepreneur, » soutient-il. En revanche, lorsque des jeunes avec une idée vague franchissent le pas de sa porte, il est là pour « enlever les barrières et les aider à la confirmer ».
Un avis partagé par Gilles Hamel, coordinateur d’un programme d’aide à la création d’entreprise au Collège Éducacentre, qui remet les pieds sur terre : « cela demande beaucoup de travail de créer une entreprise, les jeunes doivent être accompagnés. On ne se lance plus les yeux fermés ; il y a beaucoup de sérieux dans cette démarche. Le langage des affaires est un langage qui s’apprend. »
À l’instar de UBC pour les anglophones, le Collège Éducacentre propose donc depuis 2 ans un atelier de sensibilisation au démarrage d’entreprise pour les jeunes immigrants francophones. Cela permet d’aborder le milieu des affaires, les possibilités d’obtenir des subventions et le système bancaire, entre autres.
« Tout est une question d’équilibre : il faut être prêt à prendre le risque mais savoir le calculer aussi, » met en garde Gilles Hamel, qui lui-même s’est lancé très jeune. Une étape qui est pourtant difficile à franchir parfois, comme le confirme le profil de Geneviève, Québécoise de 28 ans. Les projets bouillonnent dans sa tête, mais elle hésite à faire le grand saut : « je pense à un café ou une boutique à transformer en micro-brasserie dans l’esprit montréalais. Mais ça demande du temps, de l’investissement et de l’argent que je n’ai pas pour le moment, » confie-t-elle.
Alors pari risqué ou acte inspiré ? L’entreprenariat mérite au moins d’être considéré. Après, tout dépend de l’idée, et surtout du marché ; à vous de savoir saisir la bonne opportunité !