En juillet, que fêtons ? En juillet, que fait-on ? En juillet que fait tonton ? En juillet, tonton fait comme tout le monde. Il fête. Pour commencer, en bon Canadien, il a célébré le 1er juillet à Victoria devant la législature. Il ignorait qu’il y pesait alors les menaces d’un attentat à la cocotte minute. Mon tonton voulait absolument commémorer la naissance de la confédération. Mon tonton aime le Canada. Mon tonton n’est pas né au Québec. Mon tonton est né à Saint-Paul de Clocheton, tout près de Moncton.
Mon tonton boit la bouteille à moitié pleine. Moi je la bois à moitié vide. Mon tonton est donc un optimiste qui se désaltère. Moi, un assoiffé atterré. Nous ne voyons pas le monde de la même façon. Il admire Christy Clark sans réserve. Je me réserve le droit de ne pas la porter aux nues (expression qui ne devrait pas déplaire à Richard Branson, propriétaire de Virgin). De ces nues, je suis tombé, meurtri. La victoire surprise de la première ministre contribua à cette chute. Atterrissage forcé, non amorti, dont je subis encore les séquelles. D’où mes sautes d’humeur et mon mauvais humour.
De surcroît, mon tonton estime qu’Adrian Dix devrait rester chef du Parti Néo-démocrate malgré sa piètre performance durant la dernière élection provinciale. Je ne suis pas de cet avis. Malgré le récent repentir du chef de l’opposition, je crois qu’un changement s’impose. Il a eu sa chance, même une grande chance, qu’il a malheureusement, pour ne pas dire maladroitement, gâchée. À quelqu’un d’autre le droit d’essayer de perdre. Mais, comme me l’a rappelé mon tonton qui tentait de me remonter le moral, ça ne sert à rien de ressasser le passé. « Cesse de ressasser » me ressasse-t-il sans cesse.
Mon tonton profitant du mois de juillet et de la bonne saison, le 4 est passé à la maison. Il tenait, en bon voisin du Nord, à célébrer de bonne façon le jour de l’Indépendance américaine. C’était aussi pour lui, l’occasion de goûter à mes grillades. Entre deux merguez nous avons discuté du voyage d’Obama en Afrique, lieu de naissance, selon Donald Trump, du président américain. Qu’est-ce qui peut bien se cacher sous ce toupet blond ridicule et démodé ? Pendant qu’Obama s’évertue à régler les sérieux problèmes de son pays, ce roi des casinos et de la télé-réalité veut venir bâtir chez nous à Vancouver, un super gratte-ciel. Que ce grossier personnage, médiatisé au « boutte », aille construire ses supers édifices ailleurs, chez lui aux Etats-Unis, au Texas par exemple où ses idées contre le mariage gay et l’avortement font rage. Alors que je m’irrite sans mérite, mon tonton, lui, ne pipe pas un mot. Il est plutôt préoccupé, maintenant qu’il a fini ses merguez, par mes cuisses de poulet qui sont quelques peu calcinées. Qu’importe, mon tonton mange tout et surtout, il mange à tous les râteliers. Trump peut nous tromper. Qu’à cela ne tienne, pense mon tonton toujours l’optimiste. Pourvu qu’il amène ses millions chez nous. Mon tonton voit la vie en rose, couleur du billet de 50 dollars.
Mon tonton, il n’y peut rien, baigne dans le positivisme. Il croit fermement qu’El Assad va s’en sortir pour le plus grand bien de son peuple. Il est persuadé que les révoltes au Brésil, en Égypte, en Turquie, sont mal fondées. Il est convaincu qu’il faut laisser les mains libres aux dirigeants dictateurs, élus démocratiquement. L’idée qu’il puisse y avoir abus de pouvoir ne lui vient même pas à l’esprit. Sa naïveté m’exaspère.
En lisant cela, Stephen Harper, fidèle lecteur de La Source, doit se lécher les babines. Il se régale, sans doute, des propos de mon tonton. De toute évidence, il aime bien mon tonton, notre premier ministre du Canada. Et bien, moi je le prive de grillades. Pas de merguez pour les autocrates. Je vois Poutine de loin qui fait la gueule. Tant pis pour lui. Il sera privé de saucisse aussi en attendant le jugement dernier.
Mais revenons à mon tonton qui vient de s’acheter un mouton pour le 14 juillet, jour de la fête nationale française. Cette année, je ne l’inviterai pas à venir regarder la télé chez moi. Son ultra optimisme me décourage. Il risque de faire déborder la bouteille. Moi je tiens à ce qu’elle soit à moitié vide. Question d’être le plus proche possible de la réalité. Et puis, entre nous, je ne me sens pas d’attaque pour regarder défiler l’armée française sur les Champs-Élysées. Je préfère de loin me rendre à la plage, avec des amis, pour un bon barbecue. Les grillades en juillet au bord de la mer! Qui dit mieux ?