La rubrique Espace francophone s’intéresse aux acteurs de la francophonie en Colombie-Britannique. Cette semaine nous nous intéressons à Paule Desgroseilliers. Vancouvéroise d’adoption, cette Québecoise vient de recevoir la médaille d’honneur du Doyen des études supérieures de l’Université Simon Fraser. Cette distinction vient récompenser la thèse qu’elle vient de soutenir et qui s’intitule : « Étude des représentations du bilinguisme et du français langue seconde chez des apprenants en Colombie-Britannique. »
Un travail colossal qui vient lui-même sanctionner quarante années consacrées à l’enseignement du français en Colombie-Britannique. Elle est depuis repartie vivre à Montréal, sa ville natale, mais son travail de recherche est désormais une référence pour l’enseignement du français dans la province.
« À travers cette thèse, j’ai cherché essentiellement à savoir quelle était la représentation du bilinguisme chez les jeunes qui suivent le programme de français de base en Colombie-Britannique et pourquoi ils sont de plus en plus nombreux à quitter ce programme, explique Paule Degroseilliers. J’ai eu l’occasion d’interroger une douzaine de jeunes sur l’importance qu’ils donnaient à l’enseignement d’une langue étrangère et pas un seul n’a évoqué le français parmi les langues qu’ils estimaient utiles. Les jeunes veulent apprendre le chinois ou l’espagnol mais ils ne voient pas l’intérêt d’apprendre le français. »
Le constat est rude et sans appel mais il motive l’enseignante à aller plus loin et à essayer d’identifier les dysfonctionnements du système d’enseignement du français. « Les francophiles restent les meilleurs alliés du français, tempère l’enseignante. Il n’y a qu’à voir le succès des classes d’immersion prises d’assaut par des jeunes qui n’ont même pas l’anglais comme langue maternelle. Le Conseil Scolaire de Vancouver qui est le deuxième en importance dans la province est constitué à 60% d’élèves qui n’ont ni le français ni l’anglais comme langue maternelle. Reste que l’enseignement du français de base ne fonctionne pas. »
Selon elle, le manque de visibilité du français au quotidien expliquerait ce manque d’intérêt alors que des langues comme le mandarin ou le persan ont davantage d’exposition. Elle explique aussi cet échec par des manquements dans la formation des enseignants. « Les enseignants sont d’excellents pédagogues mais ils sont souvent démunis et ont eux-mêmes des difficultés avec la langue qu’ils ne pratiquent pas assez. Ils ont besoin d’outils », regrette-t-elle. « Les conseils scolaires devraient s’assurer d’avantage que les enseignants aient les compétences linguistiques nécessaires à l’enseignement du français et qu’une fois employés, ils s’engagent à continuer d’étudier la langue. »
Elle prend l’exemple des programmes de formation continue qui existent au Québec pour les enseignants en français du pays et qui sont difficiles à mettre en place car les établissements scolaires ne mettent pas toujours leurs personnel en disponibilité.
Pour autant elle reste optimiste sur la vitalité du français dans la province. « J’ai passé ma vie à parler le français ici, j’ai réussi à donner une culture française à mes enfants et les choses sont beaucoup plus faciles maintenant », estime Paule. Quant au risque d’assimilation qui arrive invariablement dans la discussion lorsqu’on parle de la place du français, l’enseignante reste confiante. « La communauté est plus forte et plus visible et cela est en partie dû à l’arrivée de nouveaux résidents francophones notamment de l’Afrique, » observe-t-elle avant d’ajouter : « notre salut viendra de l’immigration ».