Forme d’art corporel à part entière, le tatouage a ses symboles, ses muses et ses usages. Sa pratique a traversé les âges de même que ses perceptions, contrastées dans l’imaginaire collectif, varient selon les lieux et les époques. Le journal étudiant de SFU, The Peak, s’est penché sur la question, partant d’une étude du chercheur Nicolas Guéguen qui associe tatouages et sexualité.
Histoire et croyances
Le tatouage et les usages qui l’entourent attirent notre curiosité, tant ils peuvent être divers d’une partie à l’autre du globe. Remontant au néolithique, le tatouage était souvent rattaché à des croyances religieuses. S’il était un moyen de distinction marquant une appartenance à un rang social élevé pour les Polynésiens ou les Maori de Nouvelle-Zélande, il accompagnait certaines étapes de la vie, comme le passage à l’adolescence, en Inde entre autres.
Au contraire, la pratique du tatouage s’est éteinte en Europe à partir du Moyen-Âge, la religion interdisant toute modification corporelle. Ils seront ensuite peu à peu ramenés au goût du jour par des marins et des voyageurs, tel que le célèbre James Cook.
Tatouages et attirance sexuelle
La thématique a attiré Nicolas Guéguen, chercheur en sciences du comportement à l’Université de Bretagne Sud en France. Il a déjà beaucoup fait parler de lui sur internet, les raccourcis rapides de ses précédentes recherches étant parfois pointés du doigt – il reliait tatouages, piercings et consommation d’alcool ou abordait les chances de succès d’une autostoppeuse en fonction de son tour de poitrine.
Il revient cette année avec une recherche liant tatouages et attirance sexuelle. Souhaitant explorer la perception que les hommes ont des femmes tatouées, il a mis en scène 58 femmes sur les plages de Bretagnes, certaines tatouées, d’autres non, et observé le comportement des hommes environnants. Conclusions : ils approcheraient plus facilement et plus rapidement les femmes avec tatouages, évaluant aussi chez elles une plus forte probabilité d’avoir des relations sexuelles dès le premier rendez-vous.
Populaires à Vancouver
Comme Alison Roach, la journaliste du Peak, nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si cette étude aurait eu les mêmes résultats si avait été réalisée sur les plages de Vancouver. Probablement pas. De ce point de vue, la France et l’Europe sont plus conventionnelles et si les tatouages y sont rares, ils sont monnaie courante dans les rues de Vancouver et en Amérique du Nord. Leur démocratisation ne véhicule pas cette même stigmatisation sociale et culturelle, voir sexuelle.
Selon Elise Chénier, professeure d’histoire à SFU et spécialiste des genres et de la sexualité du 20ème siècle citée dans l’article du Peak, « les tatouages sont de plus en plus devenus la norme ici. Ils ne sont plus seulement associés aux marins ou aux prisonniers, ils sont très à la mode ».
L’explosion de petits ateliers dédiés aux tatouages nichés dans les grandes artères de la ville, certains avec des listes d’attente de trois à six mois, le montre : la demande est croissante. De même, alors que d’autres études françaises révèlent que les tatouages diminuent la crédibilité des individus dans le monde de l’entreprise ou représentent un frein à l’embauche, ils sont ici normalisés dans la vie de tous les jours, à la maison comme au travail.
Ben Appleton, Australien de 27 ans installé à Vancouver depuis quelques mois, a 50% de son corps tatoué. C’est à 17 ans qu’il a franchi le pas pour la première fois, suivant le modèle de son père et cette mouvance, si commune en Australie. « De nombreux joueurs de footballs ou d’autres célébrités sont tatoués » illustre-t-il, reconnaissant que cela participe à la popularité des tatouages dans le pays.
C’est dans les années 1950 que les tatouages ont pris leur envolée en Australie et en Amérique du Nord, enrichissant leurs techniques et leur palette de couleurs. Avec l’arrivée d’internet, les gens ont aussi pu échanger des idées, partager des images, voir ce qui se faisait ailleurs, créant une véritable émulation collective autour de cet art. Aujourd’hui, les tatouages font l’objet de shows de télé réalité aux Etats-Unis, prouvant leur ancrage bien réel dans la société moderne.
Voyageur, Ben ramène un souvenir gravé à vie des pays qu’il a visités. Le dernier en date est Vancouver. Mais au-delà de la tendance, c’est véritablement l’empreinte de l’artiste qu’il cherche à marquer à l’aiguille sur son corps : « je repère le travail des tatoueurs et ils me proposent leur création. C’est important d’établir une relation de confiance avec eux. C’est comme choisir une peinture : l’artiste exprime son talent à travers le dessin et il faut que cela me parle ».
Conscients que les clients recherchent désormais de véritables œuvres d’art, les tatoueurs n’affichent plus les tatouages classiques, connus et attendus de tous sur leurs murs. A l’image d’un magasin ayant récemment ouvert dans le quartier de Gastown, ils misent sur l’unique et l’original, et utilisent la réputation et les styles bien distincts de leurs artistes comme arguments de vente.
Au lieu d’être un signe qui distingue, ici les tatouages rassemblent et véhiculent une forme d’art de plus en plus acceptée, reflet de chaque identité.