Lotus Land, Raincouver, Vansterdam…Vous connaissez sans doute ces surnoms donnés à la ville de Vancouver. Récemment, en me baladant dans différents quartiers, un autre sobriquet m’est sorti de la tête : Vanyoga. N’avez-vous pas vu comme moi ces immenses studios de yoga avec pignon sur rue offrant le premier mois à des prix imbattables ? Ces pléthores d’affiches collées aux quatre coins de la ville pour des cours gratuits sur la plage ou des retraites hors de prix ? Ces demoiselles à vélo portant leur tapis sur le dos ?
J’éprouvais la désagréable sensation que cette discipline millénaire, exigeante et spirituelle était devenue une mode et un culte du corps. Loin de moi l’image de ma salle de banlieue parisienne, nichée dans une rue secrète où seules cinq personnes pouvaient assister au cours et où mon professeur Kaladhar réajustait les postures avec une précision d’horloger…
Le yoga avait changé ma vie il y a quatre ans et je me souviendrai toujours du bien-être incroyable que j’ai éprouvé après ma première séance… Je ressentais mon corps comme jamais auparavant, mon esprit respirait la quiétude et j’avais l’impression d’être sous l’emprise d’une drogue tellement j’étais bien. Ce fut comme une révélation : le yoga valait bien tous les paradis artificiels au monde…
J’arrivais de la Ville Lumière à la Cité de Verre, avec une certaine idée de cette discipline en tête. J’avais reçu un enseignement selon lequel avant d’être une activité physique, le yoga signifiait avant tout une pratique régulière, une hygiène de vie et un engagement profond. Etre présent chaque semaine, au même cours, à la même heure, voilà le message essentiel de mon professeur Kaladhar. C’est seulement ainsi que je disciplinerais mon ego et ressentirais les bienfaits du yoga.
Je signais pour un trimestre et chaque mardi soir, que la journée ait été difficile ou non, qu’il pleuve ou que des amis m’invitent à dîner, je m’efforçais religieusement de respecter mon engagement et de bloquer ce créneau horaire. De vous à moi, ça n’a pas toujours été facile, j’ai commis des écarts, bataillé avec mon ego, dressé ma fainéantise passagère mais je restais concentrée sur le bien-être d’après la séance.
Alors voilà, quand je suis arrivée à Vancouver, l’univers du yoga façon Côte Ouest a tout de suite changé de tonalité. J’ai bien essayé de franchir la porte d’une de ces chaînes populaires de la ville – juste par curiosité – mais à la vue de ces hôtesses d’accueil toutes vêtues de noir derrière leur comptoir gris métallisé, je me suis sentie dans le hall d’un hôtel froid et prestigieux : j’ai vite pris la poudre d’escampette. Le yoga grande consommation, ce n’était pas pour moi. Dites-vous bien que dans mon cours de yoga parisien, la couleur noire n’était pas la bienvenue et que mon maître spirituel nous invitait à nous vêtir de couleurs claires… Ça commençait donc déjà mal…
Heureusement, nichée dans une jolie rue verdoyante de Commercial Drive, j’ai trouvé le studio idéal. Accueillant, discret, spirituel. De taille humaine, indépendant, en accord avec mon enseignement du yoga.
Sue, l’initiatrice de ce beau projet se rappelle de Vancouver, à l’ouverture du lieu il y a 7 ans : « J’ai assisté à l’expansion de gros studios qui ont commencé à ouvrir des succursales un peu partout et à devenir des chaînes. Les formations onéreuses pour devenir professeur de yoga pullulaient. Tout le monde voulait devenir professeur de yoga. Un bon moyen pour eux de payer les loyers hors de prix de Vancouver, » analyse la jeune femme.
Sue n’a jamais voulu proposer de formations pour devenir enseignant. « Ce n’est pas un métier, c’est une pratique » souligne cette bouddhiste dans l’âme. Ancienne comptable pour une agence immobilière, quand elle a créé ce studio, elle avait aussi l’idée d’un lieu de rencontres et d’échanges. Un bouquet magnifique de lys roses habille la table basse, du thé, du miel, un parfum de home sweet home se dégage du lieu.
« Je veux que les gens se sentent bien ici, que ce soit un peu comme leur deuxième maison; qu’après une séance de yoga dans laquelle ils ont vécu une forte expérience émotionnelle, ils puissent prendre le temps de se retrouver, sans être mis à la porte pour laisser place au prochain cours », explique la belle trentenaire aux yeux clairs. A l’opposé du système punch in, punch out des gros studios.
Ouf, j’avais trouvé ma Lumière dans la Cité de Verre !