Les îles du Pacifique évoquent les vacances, les plages de sable fin et un océan à perte de vue. Paradise Lost? Contemporary Works from the Pacific au Musée d’Anthropologie de l’Université de Colombie-Britannique (UBC), propose de redécouvrir ces contrées lointaines.
Du jardin d’Eden aux Îles du Pacifique
Le nom de l’exposition se réfère au Paradis Perdu de John Milton, poème épique écrit en 1667. Adam et Ève goûtent au fruit défendu et le jardin d’Eden devient une terre de malédiction de laquelle ils sont chassés. Carol Mayer, conservatrice du musée, précise que les premières descriptions des îles du Pacifique par les explorateurs anglais rappellent ce paradis devenu inaccessible. Hommes de l’ère victorienne habitués à voir la gente féminine couverte de la tête aux pieds, ils découvrent pour la première fois des femmes qui révèlent leurs corps sans honte ni provocation. Elle explique : « elles incarnaient l’innocence et la pureté », et poursuit : « nous avons toujours une vision romantique du Pacifique, avec ses palmiers, ses Bars Tiki, ses magnifiques jeunes femmes dansant sous les chutes d’eaux ». Cependant, la réalité est plus complexe.
A la recherche du paradis perdu
Le titre Paradise Lost? indique également que les objets d’arts en provenance de ces îles paradisiaques sont perdus au milieu des autres expositions. Un plan indique leur emplacement.
A l’entrée se trouvent plusieurs toiles de Pax Jakupa de Papouasie Nouvelle-Guinée. Il peint un quotidien qu’il souhaite préserver. Depuis les années 1970, l’économie du pays repose principalement sur l’exploitation minière de l’or et du cuivre. Carol Mayer développe : « leur culture disparaît. Dans son tableau représentant un village autour d’un repas, Pax montre que le partage est essentiel dans sa communauté. Chacun a sa place. Si vous supprimez leurs terres, le village ne survit plus. Si vous envoyez des hommes travailler dans les mines et que les champs sont laissés à l’abandon, leur organisation s’effondre ».
Deux mille kilomètres plus loin se trouve l’archipel du Vanuatu, « classé en 2006 le pays le plus heureux au monde » (par le Happy Planet Index), raconte la conservatrice. La même année, Ralph Regenvanu peint The Melanesia Project (Le projet Mélanésien), visible à Londres. Il exporte le British Museum à Vanuatu et rapatrie ainsi les objets de sa région. L’artiste, également ministre des Terres, de la Géologie et des Mines de la République du Vanuatu explique : « mon tableau représente les objets qui nous ont été pris afin de les exposer dans des musées. Nous essayons de nous reconnecter avec eux. C’est une histoire que les peuples des îles du Pacifique partagent avec les Premières Nations ». L’exposition présente une réplique de ce tableau signée par l’artiste lors de sa venue à Vancouver. « L’image m’appartient. J’utilise les technologies et les lois actuelles afin de montrer que je la possède à jamais », lance l’artiste. « Elle n’est plus détenue par un musée ».
« Nous sommes bien vivants »
Dans le Great Hall, une large boîte en polystyrène flotte au centre d’un groupe de totems haïda. Elle est le fruit de la collaboration de George Nuku, artiste maori et de Cory Douglas, artiste haïda et tsimshian. À chacune des faces correspond un auto-portrait de l’un des deux artistes. Interrogé sur l’existence d’une connexion entre la culture maori et la sienne, Cory Douglas répond : « la relation entre les peuples du Pacifique nord et sud a commencé il y a bien longtemps, avec les voyages et le commerce. Nous sommes désormais en mesure de partager notre culture à travers l’art ». John Seals, touriste de Minneapolis, nous livre ses impressions sur cette création : « dès que je suis entré, ce bloc a attiré mon attention. Les ressemblances entre l’art maori et haïda sont frappantes. » Carol Mayer précise qu’il s’agit d’une œuvre surprise créée pour l’exposition. « Ils l’ont baptisée la boîte aux promesses », dit-elle, « car les boîtes de rangement contiennent des objets du passé, mais celle-ci contient des promesses pour l’avenir ».
Les artistes de Paradise Lost? insistent sur le fait que leur histoire est toujours d’actualité. Cory Douglas précise : « l’exposition montre la revitalisation de notre culture. Nous sommes plus qu’une histoire ancienne ou des habitants d’une destination touristique ». Te Rongo Kirkwood, sculptrice de verre néo-zélandaise, ajoute : « la vérité spirituelle est la même pour toutes les cultures. Que nous soyons issus des Maoris ou des Premières Nations, nous existons toujours, nous sommes bien vivants ! »
Paradise Lost? Contemporary Works from the Pacific
Jusqu’au 20 septembre
Ouvert de 10h à 17h tous les jours sauf le mardi (jusqu’à 21h)
Musée d’Anthropologie de Vancouver, UBC
Entrée: $16.75 pour les adultes, $14.50 pour les étudiants et seniors.