L’art est une thérapie. La création transporte souvent l’artiste vers les tréfonds de son âme. Le débarrasse de ses peaux sèches, casseroles, et autres couches de souffrances inutiles. Pour l’amener vers la voie de la guérison.
C’est ce qu’Elif Ackali, 40 ans, originaire de Turquie a vécu et vit encore. Nouvellement artiste, elle présente trois de ses oeuvres à l’exposition collective Talking Heads: A Contemporary Look at Headdresses au CityScape Community Arts Space de North Vancouver jusqu’au 7 septembre.
Genèse d’un projet artistique
Sous l’impulsion de Surface Design Association BC, quatorze artistes ont exploré différents univers culturels et créé à partir de tissus, fibres et autres matières naturelles toutes sortes de coiffes. « Il est intéressant de constater qu’une coiffe en dit beaucoup sur qui nous sommes; elle a une connotation religieuse, culturelle voire sociale », explique Brigitte Rice, l’une des initiatrices du projet. La genèse remonte au printemps 2011 lorsque Brigitte et ses comparses Ros Aylmer et Anne-Marie Andrishak découvrent l’exposition Meet me at the center of the Earth de Nick Cave au Seattle Art Museum. Non loin de là, une galerie de masques africains et de coiffes ethniques attire leur attention. L’idée de mélanger le thème des deux expositions fait tilt et l’association lance le concept d’une exposition de coiffes créées à partir « de tout ce que l’on peut trouver autour de nous ».
« Le résultat est fantastique, nous avons été agréablement surprises par le travail des artistes », souligne Brigitte Rice. Parmi eux, Elif Akcali, qui fête sa première exposition publique. Elif est née à Ankara, mais vit en Floride depuis 15 ans; exerce le métier d’ingénieur mais aime créer avec ses mains; n’est pas religieuse pratiquante mais s’inspire du soufisme pour trouver la paix intérieure et accessoirement pour ses créations. Chacune de ses trois œuvres s’articule autour des enseignements de Shams Tabrizi, mystique soufi initiateur des « quarante règles de la religion de l’amour ». Elif a utilisé la forme du sikki, coiffe des derviches tourneurs, comme support puis l’a habillée d’oiseaux de papier conçu à partir de fibres de bananes et pliés selon l’art japonais de l’origami.
L’intelligence du cœur
Understanding nous invite ainsi à comprendre les choses, non plus à travers le prisme de notre intellect mais davantage avec celui de l’intelligence du cœur. « J’ai cessé de tout vouloir expliquer de manière rationnelle et pragmatique », explique la jeune femme. Within encourage le spectateur à chercher la clé du Bonheur à l’intérieur de lui. « Je n’étais plus heureuse en Floride alors je suis retournée vivre à Istanbul, pensant qu’être dans mon pays d’origine allait tout résoudre. Mais je me suis trompée. Et j’ai compris une chose : peu importe où j’irai, la source de mon bien-être viendra de l’intérieur », se souvient l’artiste. Enfin Present incite l’Autre à exclusivement vivre le moment présent sans se soucier du futur ou ruminer sur le passé.
Elif, « Fille de la République de Turquie » comme elle se surnomme elle-même, a découvert le message d’amour du soufisme grâce à une autre Elif, artiste également et auteure de l’ouvrage The Forty Rules of Love : l’écrivain Elif Shafak. Un peu comme une sœur spirituelle, elle lui a montré le chemin qui l’a menée vers les enseignements des mystiques soufis du 13ème siècle et des poèmes de Rumi. Depuis son plus jeune âge, l’ingénieure de formation se dit fascinée par cette branche mystique de l’islam. « Je me souviens très bien de ma première sema – rituel de transe des derviches tourneurs. J’avais 12 ans et ma mère m’a emmenée à Konya, berceau du soufisme. La musique m’a littéralement touchée, j’étais comme transcendée ».
Il y a cependant une chose qui chiffonne cette féministe de cœur : les sikkis étaient traditionnellement portés uniquement par les hommes, « comme si la Femme n’avait pas accès à l’enseignement suprême », analyse Elif. « J’ai donc voulu jouer avec les genres en utilisant un visage de femme pour porter mes coiffes. »
Il y a deux ans, à Edirne, dans le nord-ouest de la Turquie, Elif visite la mosquée Selimiye de l’architecte Mimar Sinan. Ce jour-là, elle apprend que le célèbre bâtisseur avait 51 ans quand il a construit sa première œuvre. « Et c’est depuis l’architecte de l’Empire Ottoman par excellence », souligne l’artiste. « A ce moment précis, je me suis dit qu’il me restait 13 ans pour trouver qui je voulais être vraiment. » D’ingénieure à artiste, il n’y a qu’un pas.
Talking Heads: A Contemporary Look at Headdresses
CityScape Community Art Space
North Vancouver Community Arts Council
Jusqu’au 7 septembre
335 Lonsdale Ave, North Vancouver
604.988.6844
http://www.nvartscouncil.ca
Galerie ouverte du lundi au samedi de 12h à 17h
Entrée libre