Les hommes font leur histoire, même s’ils ne savent pas l’histoire qu’ils font », affirmait Raymond Aron, le célèbre philosophe et historien français. Encore, faut-il reconnaître qu’un peuple qui n’enseigne pas son histoire est un peuple qui perd son identité.
Ainsi, le musée japonais Nikkei, situé à Burnaby dont la mission est de préserver et promouvoir l’histoire, l’art et la culture canado-japonaise, marque le 25ème anniversaire de l’Entente de redressement des Canadiens Japonais par l’exposition itinérante A Call for Justice, du 22 septembre au 29 décembre 2013.
Le passé toujours présent
L’exposition relate l’épisode de la Deuxième Guerre mondiale (1942 à 1949) où l’attaque de Pearl Harbour déclencha une avalanche de persécutions de la communauté japonaise canadienne par les autorités locales.
Une fois la guerre finie, les séquelles et les pertes étaient trop importantes pour être mises aux oubliettes. Après dix ans de lutte, le mea culpa est prononcé : le 22 septembre 1988, Brian Mulroney, le premier ministre d’alors, reconnaît l’injustice subie par cette communauté de 1942 à 1949.
L’entente de redressement était signée et une part de justice rétablie. Une première dans l’histoire politique du Canada, qui allait ouvrir la voie aux restitutions du gouvernement envers d’autres communautés pour des irrégularités commises.
Sans équivoque, A Call for Justice rappelle les années de tristesse et de lutte durant lesquelles cette communauté d’ouvriers et pêcheurs japonais installés sur la côte Ouest fut lésée de ses droits de citoyens canadiens, subissant des injures qui resteront gravées dans les archives de l’histoire.
Les supports médiatiques de l’exposition – photographies, artefacts, poésie et témoignages personnels entre autres – reflètent les sentiments d’impuissance et l’endurance silencieuse qui régnaient au sein de ces quelques 23 000 habitants face aux adversités.
En parcourant les couloirs du musée Nikkei, on a l’impression de voyager dans le temps. Des tiroirs de souvenirs dévoilent un passé lourd. Les images sont poignantes. Les témoignages renversants. On sent presque l’atmosphère lugubre et hostile de la guerre. Les archives, épine dorsale de l’exposition déroulent le film d’histoire…le film d’horreur !
Sur un air de réconciliation…
L’entente de redressement était axée autour d’une reconnaissance de torts et de dénonciation des abus des droits de l’Homme. Toutefois, Roy Miki, poète, écrivain japonais canadien et activiste du mouvement de revendications, affirme que la communauté n’a jamais vraiment demandé des excuses.
« Ce qui importait pour nous, c’était que le gouvernement reconnaisse les faits. C’était plus une question de responsabilité et de redevance de la part des autorités… Cette quête de redressement n’a, en fait, que renforcé notre système démocratique. Ce n’était qu’une jauge de la justice sociale », explique-t-il.
Jasbir Sandhu, député à la Chambre des communes de Surrey-Nord, affirme que cette commémoration démontre que les Canadiens sont aptes à apprendre des erreurs du passé, afin de reconstruire l’avenir sur un terrain d’humilité. « L’entente de redressement permet d’avancer. Je reconnais que c’est un processus de cicatrisation continue. L’année prochaine, nous célébrerons le centenaire du Komagata Maru, qui fut un incident aussi douloureux ».
La lumière au bout du tunnel
Toutefois, si l’histoire abrite une soif de justice, elle foisonne subrepticement des lueurs d’espoir pour éclairer des voies de réconciliation et de réparation. C’est avec émotion que l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) a décerné à titre posthume l’année dernière des diplômes à des étudiants japonais qui ont été amenés pendant leurs études dans des camps d’internement à l’intérieur de la province. Si la plupart d’entre eux sont morts, certains sont retournés sur des chaises roulantes à UBC pour se voir décerner leurs diplômes.
L’exposition itinérante sera aussi une façon de rendre hommage à l’évènement du 22 septembre. « Nous avons tenu à marquer ce quart de siècle depuis l’entente de redressement en invitant tout le monde, surtout les jeunes, à prendre connaissance de cette page d’histoire importante » affirme Beth Carter, curatrice du musée Nikkei. « Cette commémoration est significative pour la communauté nipponne canadienne. Outre le souvenir collectif, chacun y décortique une signification personnelle… ».
A Call for Justice
Du 22 septembre au 29 décembre
Du mardi au samedi de 11h à 17h
Fermé du 23 au 28 décembre
Musée Nikkei
6688 Southoaks Cres., Burnaby
Entrée sur donation
http://www.centre.nikkeiplace.org