Je n’ai pu que prendre note de l’ironie entre deux situations au pays la semaine dernière. Alors que Vancouver marquait la semaine de Réconciliation nationale, le Gouvernement du Québec prenait une direction toute autre en défendant vigoureusement sa charte des valeurs québécoises récemment dévoilée.
Il n’est pas étonnant que le sujet ait déclenché de vigoureux débats non seulement au Québec, mais dans le reste du pays. La proposition gouvernementale a même trouvé des échos dans le monde entier. Il ne faut pas s’étonner vu la nature de la direction proposée par ses promoteurs.
Toutefois, il y a quand même lieu de se demander qu’est-ce qui a bien pu pousser un gouvernement minoritaire à aller de l’avant avec un projet qui ne pouvait que semer la controverse. En effet, rien ne laissait entrevoir une telle charte dans la campagne électorale qui a mené au pouvoir, à peine faut-il l’admettre, le Parti Québécois.
Selon moi, le débat qui fait rage dans ma province d’origine n’est qu’une tentative de détournement d’attention. Plutôt que de parler d’économie et de création d’emplois, deux enjeux qui, admettons-le, devraient être au premier plan des discussions dans la province, on a soudainement lancé un énorme pavé dans la mare. Si tôt fait qu’on ne parle plus que de cette question sur toutes les tribunes.
Le tout assurément fait avec un pur calcul politique et dans le but de créer un enjeu par le biais duquel la formation politique pense pouvoir récolter suffisamment d’appuis pour ravir une majorité lors du prochain scrutin.
Car, même si les dénonciations sont pratiquement unanimes dans le reste du pays, il y a un courant social au Québec qui rend, à première vue du moins, le projet gouvernemental passablement attrayant. C’est que cette question de la place qu’occupent les symboles religieux, vestimentaires et autres dans la société québécoise mijote depuis plusieurs années au Québec.
Après tant d’années passées à larguer l’omniprésence de la religion catholique, nombre de québécois ont vu avec un certain agacement l’expression d’autres pratiques religieuses. Si tant bien que le gouvernement de Jean Charest a mis en place en 2007 la Commission Bouchard-Taylor qui avait le charmant nom officiel de « Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles ».
Il est vrai que la tâche pour le gouvernement n’est pas facile. Comme point de départ, celui-ci a pris note du fait qu’une majorité de la population québécoise est en faveur d’un État laïque. Toutefois, dans les faits on voit comme il est périlleux de tenter de proposer une ligne de démarcation qui n’attise pas certains sentiments d’intolérance. Toute personne qui décide de proposer certaines balises à l’expression religieuse ouvre la porte à une marée d’émotions qu’il devient difficile de contenir et qui peut menacer sérieusement l’équilibre social nécessaire au bon fonctionnement de toute société.
Au bout du compte, il est d’ores et déjà acquis que le gouvernement devra mettre de l’eau dans son vin. De un, il est minoritaire et tout projet de loi qui donnerait force à la proposition dans son cadre actuel serait défait. Et avouons-le, ce qui dérange surtout au Québec, c’est le port de la burqa et du niqab. Il se peut fort bien qu’un consensus soit possible à cet égard.
Ceci dit, peu importe la conclusion que connaîtra ce débat, il laissera des marques qui ne se cicatriseront pas de sitôt. À quand une semaine de réconciliation au Québec?