Allons-y. À mon tour de m’en mêler. Pourquoi pas ? Après tout, que ce soit dans les médias, dans les discussions autour d’une bière ou lors de réunions familiales, on ne parle que de ça : la Charte des valeurs québécoises. Combien de fois, au cours des dernières semaines, ne me suis-je pas fait demander : « Alors qu’est-ce que tu penses de la loi qu’ils veulent faire passer au Québec ? »
Je dois avouer qu’après m’être fait poser la même question pour la centième fois, la fatigue me gagne. Cette question finit par me lasser. Les discussions interminables qui s’en suivent me laissent à chaque fois mal à l’aise. Je suis gêné aux entournures. Ici, en Colombie-Britannique, jusqu’à présent, je n’ai rencontré personne en faveur de cette charte. Très souvent, c’est avec véhémence que mes interlocuteurs expriment leur opinion. Cette charte a, pour sûr, le mérite de ne laisser personne indifférent. C’est au moins ça de gagné.
Mais d’une façon plus personnelle, elle m’a permis de faire le point sur mes propres valeurs. D’où mon inconfort. À priori, j’ai toujours été favorable à la laïcité. La séparation de l’Église et de l’Etat est, selon moi, primordiale et indispensable. Les signes d’appartenance religieuse m’offusquent. Je n’ai pas besoin que l’on exhibe publiquement ses propres croyances. La foi, pour moi, est quelque chose de très personnel et devrait rester privée. Mais je reconnais que chacun a le droit d’exercer sa religion comme il l’entend. Là, on s’entend. Alors d’où vient mon malaise ?
Tout d’abord, cette tentative de Charte me gêne parce qu’elle n’est pas transparente. Elle semble cacher un agenda. Pour commencer, elle devait s’appeler à l’origine, la Charte de la laïcité. Elle est devenue depuis, la Charte des valeurs québécoises, lorsque l’on a noté quelques anormalités ou, plutôt, quelques contradictions. La présence de la croix dans la chambre des députés à l’Assemblée législative ou Assemblée nationale (cela dépend de quel bord on se pose) du Québec, étant l’exemple le plus évident. Il y en a d’autres. Les députés eux-mêmes ne seraient pas souscrits aux exigences de cette charte. Et pourtant, à ce que je sache, l’Assemblée est bien un lieu de la fonction publique, non ?
Cette charte pose aussi des questions pour le moins amusantes. Va-t-il falloir changer les paroles de l’hymne national chanté avant chaque match des Canadiens de Montréal au Centre Molson ? Que va-t-on faire du : « il sait porter l’épée, il sait porter la croix » ? Un de mes amis à qui je faisais part de cette réflexion a suggéré de remplacer « Il sait porter la croix » par « Il sait porter la rondelle ». J’ai trouvé sa suggestion pertinente et appropriée. Elle met en lumière aussi le ridicule de cette aventure. Cette laïcité est devenue donc une question de valeurs. De valeurs québécoises. Et là, ils m’ont perdu. D’un seul coup, cette charte m’est apparue boîteuse pour ne pas dire malsaine. Ces valeurs québécoises, j’aimerais les connaître. Quelles sont-elles ? Qu’entend-on par là ? Celles qui garantiraient la suprématie de la race ? La « Pure laine » s’entend ? Non. Ce ne peut être ça. J’appartiens au club des cyniques. Je pense (et je crois que d’autres l’ont aussi mentionné), que cette charte a pour but d’obtenir l’indépendance du Québec par un moyen détourné, non avoué. Une sorte de plan machiavélique de basse classe concocté par une élite qui n’a toujours pas digéré la défaite du dernier référendum sur la souveraineté.
Tout le monde se souvient des malheureuses paroles de Jacques Parizeau suite à sa défaite. Il avait alors blâmé « l’argent et les ethnies », comme il disait. Cette charte, et c’est peut-être là son objectif, a de grande chance de faire fuir ces « ethnies » et par là donner les conditions gagnantes à un nouveau référendum. Je n’ai rien contre l’indépendance du Québec. C’est un choix qui appartient aux Québécois, et à eux seuls. Mais utiliser le principe de laïcité pour le transformer en un système de valeurs boîteux et mal défini, pour ne pas dire discriminatoire, dans le but non avoué d’obtenir l’indépendance, est un camouflet à la démocratie. Je ne peux y adhérer.
Au passage, avez-vous remarqué comment notre Christy Clark s’est empressée d’ouvrir grandes ouvertes les portes de la Colombie-Britannique pour accueillir ces « ethnies » qui se sentiraient rejetées au Québec ? Notre première ministre provinciale n’en manque pas une pour afficher au grand jour, et sans ambages, son opportunisme. De quoi nous faire honte. Aucune délicatesse. Elle se fout de la charte. Tout ce qu’elle veut c’est de la main d’œuvre. Il y a peut-être anguille sous roche. Qui sait ? Elle a pu s’entendre avec sa collègue Pauline Marois. Hum ! Je crois que j’y vais un peu fort cette fois-ci. Le cynisme a ses limites. Quoiqu’à bien y penser !!! Non je vais arrêter.