Directeur Général de Visions Ouest Productions, Régis Painchaud ouvrira dans quelques mois les portes de la 20ème édition des Rendez-vous du cinéma québécois et francophone qu’il organise annuellement. Autrefois réalisateur et producteur de documentaires, le natif du Québec porte un regard aiguisé sur le Festival du Film International qui se déroule en ce moment même à Vancouver.
The Source : Quel regard portez-vous sur la programmation francophone à l’affiche cette année du Festival international du Film de Vancouver (VIFF en anglais) ?
Régis Painchaud : Tout d’abord, je note que les films francophones sont moins nombreux qu’à l’accoutumée, notamment en ce qui concerne les productions de France. D’habitude, une cinquantaine de films sont proposés contre une bonne vingtaine pour cette édition. Je ne sais pas où réside l’explication. J’ai l’impression que le Consulat de France a joué un rôle moins déterminant cette année.
Avez-vous des coups de cœur ?
Pour la programmation québécoise, le film Tom à la ferme m’a énormément plu. Pour la France, La vie d’Adèle Chapitres 1&2 (Blue is the warmest color) d’Abdellatif Kechiche a également retenu mon attention. Il suscite un débat en ce moment autour de la façon dont le film a été tourné. Les acteurs sont restés plusieurs centaines d’heures sur le tournage sans recevoir de directives claires. Il s’agit d’un film fort et puissant qui devrait obtenir un certain succès commercial à sa sortie. En tant que spectateur, on en ressort déstabilisé.
Comment le VIFF sur le plan de la programmation francophone se compare-t-il aux autres grands festivals de films canadiens comme ceux de Montréal et Toronto ?
Le festival en lui-même reste assez modeste par rapport aux autres grands festivals internationaux. Par rapport au Québec, je dirais que la programmation francophone y est moins forte. Quand à Toronto, il s’agit d’un festival incontournable en Amérique du Nord mais avant tout commercial. Le festival de Vancouver reprend donc des productions primées dans d’autres pays et une partie de la sélection présentée à Toronto. Il a aussi la particularité de proposer des œuvres relatives aux différentes communautés implantées dans l’agglomération.
A quel profil de réalisateurs le festival est-il ouvert ?
Beaucoup de réalisateurs sont des figures montantes qui en sont à leurs toutes premières œuvres. Il s’agit d’une nouvelle vague dont on ne peut ignorer le talent. On retrouve ensuite des noms plus connus comme ceux de Xavier Dolan qui malgré ses 24 ans a déjà remporté des prix à Cannes ou encore Venise.
D’une façon plus générale, le VIFF se porte-t-il bien ?
Au niveau des infrastructures, je pense que le déplacement du festival à Gastown est une bonne chose. Cela évite les longues files d’attentes qu’on retrouvait sur Granville. Le fait de passer de nombreux films à SFU Woodward’s va aussi permettre au public de découvrir un nouveau lieu. Cela devrait s’avérer utile à terme pour les autres festivals. En revanche, peut-être à cause du problème des infrastructures qu’il a fallu régler, je trouve la programmation générale moins forte que précédemment.
C’est-à-dire ?
Les débats nationaux propres au Canada sont par exemple totalement absents. Je ne dis pas qu’il serait souhaitable d’avoir une sélection uniquement basée là-dessus mais les thèmes liés au débat sur la langue ou sur la charte des valeurs du Québec sont complètement occultés.
Comment se porte l’industrie du cinéma canadien ?
Très mal. Auparavant, au Québec, on estimait qu’environ une personne sur cinq allait voir un film canadien dans les salles. Ce rapport est d’aujourd’hui d’un sur dix. Quant au Canada anglophone, le bilan est dérisoire puisque seul 1% des spectateurs visionnent des films canadiens. En réalité, 95% des salles appartiennent aux compagnies américaines qui imposent leurs sélections commerciales. Au-delà des Etats-Unis, ce sont mêmes les réseaux d’influence basés à Londres qui décident aujourd’hui de ce qui est diffusé dans nos salles. Vancouver est souvent décrite comme une ville de cinéma mais quatorze salles de cinémas indépendants ont fermé récemment. Cela réduit extrêmement les possibilités de regarder des films étrangers et d’auteurs.
Pouvez-vous nous donner un avant-goût du prochain festival du film francophone qui débutera le 13 février prochain ?
Pour cette édition, nous proposerons notamment un débat sur la langue avec le film La langue à terre, un documentaire sur l’anglicisation du Québec et de Montréal. Cela permettra de voir par quel moyen l’anglais pénètre dans ces régions. Nous aurons aussi un volet consacré aux évènements survenus en octobre 1970 au Québec. Nous présenterons ainsi Les ordres de Michel Brault, qui revient sur la perte des libertés civiles suite à l’emploi par le gouvernement de la loi des mesures de guerre durant la crise d’octobre 1970 au Québec. Quant à Octobre, de Pierre Falardeau, il relate les évènements qui ont amené à l’enlèvement et au meurtre de Pierre Laporte, alors ministre du Travail.