Laurent Fadanni est un auteur d’origine belge, il a publié son 1er livre en 1999 avant de mettre le cap sur la Colombie-Britannique en 2006. L’auteur de poésie et de théâtre lâche d’une voix presque amusée « Mon livre Cartographie du vertige a reçu un prix de l’Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique et pourtant il est passé totalement inaperçu ici. » A la veille de l’ouverture du Vancouver International Writers Festival, il semble en effet difficile d’évaluer la place de la littérature francophone dans l’Ouest canadien et plus particulièrement encore à Vancouver.
Un sentiment d’isolement
Pour le professeur Guy Poirier, spécialiste en littérature francophone et ancien professeur de l’Université Simon Fraser, rien d’étonnant à cela. Il existe une difficulté particulière pour les auteurs francophones de l’extrême ouest du pays. « La communauté francophone y est jeune alors qu’en Alberta ou en Saskatchewan les francophones ont des souches plus anciennes. Les francophonies sont différentes selon les provinces, celle de la Colombie-Britannique réunit une communauté de migration. » Il n’existe pas de réelle maison d’édition francophone et donc la vie littéraire y est quasiment inexistante. Il reprend : « il y a dix ans, il y avait plusieurs structures : des petites librairies actives telles que Sophia Books ainsi que des institutions où les gens se retrouvaient à l’instar de l’Association des écrivains francophones de la Colombie-Britannique. » Malheureusement, souvent faute de moyens financiers ou de subventions, ces plateformes de rencontres ont disparues. Les auteurs se retrouvent donc isolés, un constat paradoxal quand on connaît la popularité du français en Colombie-Britannique.
Pour pallier à ce problème, le Regroupement des éditeurs canadiens-français (RECF) a été créé en 1989 afin de de permettre aux éditeurs francophones actifs hors Québec de se rassembler dans la commercialisation, la promotion, et la représentation des œuvres. Pour la Directrice adjointe Caroline Boudreau « un des plus gros défis est la distance et l’isolement. Déplacer un seul auteur de Vancouver à Montréal pour participer au Salon du livre de Montréal est assez dispendieux. » Or les salons du livre et autres évènements de ce genre sont importants pour les auteurs afin de rencontrer leur éditeur, les lecteurs et, surtout, d’autres auteurs. « De plus, l’absence des points de ventes dans l’Ouest est un autre défi. Il existe moins d’une quinzaine de librairies francophones hors-Québec, toutes provinces inclues. »
Cependant Guy Poirier rappelle que les auteurs ont aussi un rôle plus actif à jouer : « nous avons affaire à un changement de génération des auteurs. Lorsque l’on regarde les catégories d’âge, une grande part des auteurs francophones de l’Ouest canadien sont des personnes en retraite alors que l’on voit arriver de nombreux tous jeunes auteurs. Le dialogue entre ces deux générations ne s’est pas toujours fait. Il faut donc des efforts supplémentaires pour recréer une dynamique et un intérêt. » Il en est certain, les prix et les concours littéraires sont justement un moyen de trouver de nouveaux talents et stimuler la littérature francophone.
Ouvrir les portes
Un avis partagé par Hélène Koscielniak, l’auteure francophone qui vit à Kapuskasing, petit village au nord de l’Ontario. Grâce à ses romans, Contrepoids et Filleul, en lien avec l’actualité, elle vient de recevoir le prix de littérature éclairée du Nord, imaginé dans la province pour donner un coup de projecteur sur la littérature franco-ontarienne. « Nous sommes baignés par la culture anglophone mais la communauté francophone est très fière de sa culture. Ici, elle fait beaucoup pour promouvoir la littérature, les appuis sont forts. »
Or les choses sont plus compliquées à Vancouver selon Laurent Fadanni. Il n’y a aucune réelle structure pour les auteurs francophones. Ce sentiment de solitude partagé vient du fait qu’il y a peu de francophones ici. « Nous sommes, au sens propre du terme, une minorité. Faire vivre la vie littéraire est déjà un combat quotidien en France ou en Belgique où la langue unique est le français. Rien d’étonnant donc à ce qu’il soit si difficile de la garder vivante ici. » L’Alliance française et le Centre culturel œuvrent déjà. De même, les auteurs organisent des lectures ou des rencontres mais des efforts peuvent être faits pour améliorer le relais et le rassemblement du grand public. Alors, il propose une solution : décloisonner et réunir les lecteurs bilingues. « Ils sont beaucoup plus nombreux qu’on ne le pense. Il ne faut pas seulement penser « francophone », il y a une demande importante de canadiens qui ont un réel intérêt pour la littérature en langue française. C’est à ces personnes qu’il faut ouvrir les portes. Et pourquoi ne pas créer un festival autour de la littérature francophone de ce côté du pays. Hélène Koscielniak pense d’ailleurs à faire traduire ces romans afin d’attirer un public qui ne serait pas immédiatement familier avec la francophonie. Les idées ne manquent pas, et chacun s’accordent à dire qu’il faut du sang neuf pour réunir les forces de chacun et redonner une véritable visibilité dans l’Ouest canadien. Pour joindre le geste à la parole Laurent Fadanni organise une première rencontre le 30 octobre pour présenter son dernier recueil Viticulture des gouffres et rassembler les lecteurs francophiles.
Vancouver International Writers Festival
Du 22 au 27 octobre
http://www.writersfest.bc.ca
Présentation de Viticulture des gouffres
Laurent Fadanni
30 octobre à 19h
Centre Culturel
Francophone, Vancouver
12 novembre à 19h,
Newton Cultural Centre, Surrey