Allez savoir pourquoi aujourd’hui, j’ai été prise d’une envie de chips.
Ça ne m’arrive jamais mais voilà, c’est arrivé. Poussée par cette incontrôlable pulsion de gras, je me suis décidée à braver la tempête pour sortir de chez moi et marcher jusqu’à une grande surface. Ça non plus, ça ne m’arrive jamais : j’ai tendance à préférer les petits commerces de quartier, mais il se trouve que la grande surface était plus près et, comme je vous le disais : il pleuvait averse.
Bref, j’arrive dans cette grande surface à la recherche de chips. Quiconque arrive d’Europe et entre pour la première fois dans une grande surface canadienne saura de quoi je parle : le choc culturel.
Pour commencer, « grande surface » est un euphémisme ; « immense surface » serait plus approprié. Préparez-vous donc à y passer quelques heures, surtout si vous ne connaissez pas encore la logique toute nord-américaine d’agencement des rayons. Pourquoi l’allée « produits pour bébés » est-elle adjacente à celle des biscuits apéro ? Aucune idée, mais pas le temps de mener l’enquête : j’ai faim.
Je m’aventure donc dans l’Immense Surface, en commençant par le rayon fruits et légumes. Premier choc : des montagnes à perte de vue de fruits brillants et impeccables, triés par couleurs et disponibles en version prédécoupée. Stupéfaite, je m’approche d’eux comme d’un tableau. Est-ce que ce sont des vrais ? Comment font-ils pour avoir de beaux fruits tout parfaits ? Je suis presque tentée d’en acheter mais… Non, attendez : où diable sont ces chips ?
Me voilà dans le rayon produits laitiers. Passons sur le prix des fromages… Je préfère ne pas regarder. Là encore, incohérence logistique : pourquoi le fromage est-il si loin des yaourts ? Pourquoi le beurre n’est pas avec le lait ? Et d’ailleurs, où est le lait ??
Ah ça y est, je le vois. Traversons donc, si vous le voulez bien, le rayon des pâtisseries. Je ne suis pas venue pour ça, mais avez-vous vu ces brioches à la cannelle ? Et ces Donuts tout frais ? Et ces tartes aux noix, et ces tartes aux bleuets ? Non non, il faut que je file, et en plus, voilà mon rayon : les chips !
Parlons-en : vingt-cinq ans de métier, jamais vu un rayon chips pareil. C’est un boulevard à double sens de chips à n’en plus savoir qu’en faire. Des chips plates, des chips ondulées, des chips en forme de cuillère pour attraper la sauce salsa. Des chips sans gluten, des chips « santé » sans gras saturé, ou encore des chips « allons-y-franchement-on-ne-vit-qu’une-fois » (je pense par exemple aux « poulet, fromage et sauce chipotle »).
Littéralement affamée par mon parcours du combattant dans l’Immense Surface, le cerveau titillé par toutes ces choses incroyablement nouvelles et terriblement appétissantes, je me suis jetée sur la saveur qui me semblait la plus indécente de toutes dans la catégorie « allons-y-franchement […] », j’ai nommé : crème sure et bacon (dont l’illustration à elle-seule vous fait prendre 1 kg). Autant vous dire que ma satisfaction fut grande lorsque je regagnais ma maison après cette aventure, mangeant mes chips par poignées en souriant d’allégresse.
Voilà que j’écris un article sur ma quête de chips. C’est tout à fait révélateur de l’émerveillement quotidien qui est le mien depuis mon arrivée à Vancouver en juillet : faire ses courses, rien de plus banal. Mais lorsque tu fais tes courses dans un nouveau pays, ça devient une aventure en soi, c’est une découverte de plus, une autre occasion de se sentir perdu. Je pourrais écrire sur tout, parce que tout est nouveau pour moi : de la langue à la façon de se saluer, du style vestimentaire à la façon de manger… Alors, c’est ce que je fais. J’écris.
BRAWVO!