Quand je me rends au travail le matin, et surtout chaque fois que je prends le Skytrain, je suis frappée par l’image de ces nombreuses mains saisissant la barre de maintien. Ces mains sont de différentes carnations, la plupart du temps revêtues de bijoux suivant la mode contemporaine, mais parfois avec des allusions à un pays d’origine ou à d’autres influences.
Cette scène est une expérience courante, partagée par de nombreux centres urbains dans le monde, et qui reflète l’essence de la pluralité à l’œuvre. C’est un genre hybride, un juste milieu entre des origines et le moment présent.
Cependant, je ne peux ignorer le fait que j’ai pris conscience de ce processus dans les transports, peut-être parce que la métaphore du voyage représente la façon dont je vis la diversité culturelle, par le mouvement des gens et des cultures, ou peut-être parce qu’il s’agit là également de ma propre histoire et ce voyage peut prendre différents chemins. Je suis un produit de la diversité canadienne.
Mes parents ne sont pas originaires du Canada. Ils sont venus de deux continents différents, se sont rencontrés ici, et je suis venue au monde. C’était le début du voyage en ce qui me concerne, mais il évoque un passé, celui de mes parents, qui remonte à d’autres cultures et d’autres sociétés, elles-mêmes riches d’un passé et d’une histoire qui leur sont propres.
Ma quête personnelle consiste en partie à comprendre cette diversité culturelle qui m’habite, mais entre temps je ne peux m’empêcher de penser aux évènements et aux histoires qui ont réuni ceux qui m’entourent en ce lieu et à cet instant. En réalité, le matin, dans cette rame de métro, nous assistons très certainement une forme de représentation mondiale, et de là proviennent des connaissances des quatre coins du globe.
Nous avons l’unique mission de découvrir les moyens d’accéder à ce savoir. Nous nous trouvons actuellement à un carrefour historique où nous devons choisir le chemin pour y parvenir. J’ai fait l’expérience de deux sociétés diverses que l’on peut comparer l’une à l’autre, avec des résultats vraisemblablement différents.
Il y a tout d’abord l’Angleterre (l’endroit où j’ai grandi). Là-bas, il y a une forte culture hégémonique de la terre d’accueil qui définit très clairement son mode de fonctionnement. Bien que cela ne soit pas dit haut et fort, la réussite de l’immigrant dépend presque entièrement de sa capacité d’assimilation. Je dois l’admettre, la culture anglo-saxonne vieille de plusieurs siècles a pu parfois fournir des lignes directrices claires pour s’y établir et y vivre, mais la complexité de ces règles a atteint un niveau critique dans le monde contemporain et c’est actuellement une société très stratifiée.
À Vancouver et au Canada de manière générale, même si nous ne pouvons affirmer qu’il n’existe aucune culture dominante ou majoritaire, ses contours sont flous et la définition de la réussite y est plus flexible. Il y a une maxime que j’ai souvent entendu quand je suis arrivée. Elle dit que « nous sommes tous des immigrants. » Cela ne veut pas dire que la société canadienne est parfaitement égalitaire pour autant. Il y a l’héritage du régime colonial, les problèmes de démarrage d’un jeune pays, et nous ne pouvons nier la présence encore visible de préjugés raciaux. Cependant, cette société a clairement établi le fondement d’un avenir possible, c’est-à-dire un cadre de tolérance et de sincère respect pour la culture d’autrui. Le futur n’est pas encore écrit, mais tant qu’il dépendra des Vancouvérois et des Canadiens en général, il pourra continuer à se redéfinir pour être inclusif.
Il y a une certaine impatience de la part des cultures plus anciennes et établies à définir la culture canadienne, mais il s’agit là de cultiver quelque chose de très bon et d’une grande richesse, si on laisse cette culture s’épanouir. Je compte maintenant sur les municipalités et le gouvernement pour qu’ils encouragent cette tolérance et cette diversité en fournissant des musées, des ateliers et des monuments mettant à l’honneur les origines et les cultures de leurs citoyens. Afin que la barre de maintien ne soit pas qu’une figure de style et que les piliers de notre société soutiennent véritablement les efforts de leurs citoyens!
Traduction Marie-Noël Campbell