Nombreux sont les Vancouvérois qui, invités à une soirée, arrivent chez leurs amis avec un pack de bière à partager plutôt qu’une bonne bouteille. A quelques jours de la sortie du Beaujolais nouveau, véritable événement francophone, il est d’actualité de se poser la question : serait-ce une histoire de tradition ? Certainement, mais aussi d’éducation et d’habitude. Car si la culture du vin commence à s’imposer depuis une dizaine d’années dans l’Ouest canadien, elle a longtemps été laissée de côté par le grand public.
Une influence anglophone
C’est ce que remarque Louise-Marie Lessard, originaire du Québec, historienne et spécialiste en œnologie. Passionnée par les saveurs, elle a tout plaqué pour partir à la découverte des cépages en France, « J’avais décidé de vivre dans chaque région viticole pour apprendre sur place en plus des cours que je recevais. »
De retour à Vancouver, elle explique qu’il faut faire une différence entre l’est et l’ouest du Canada, « il s’agit quasiment de deux pays. Au Québec, la culture du vin est beaucoup plus répandue et ce depuis très longtemps. »
Alors qu’à l’ouest, la culture anglophone prédomine. L’influence des États-Unis y est importante, et les Américains sont des buveurs de bières. L’immigration n’est pas non plus étrangère à cette influence. Les Chinois et les Japonais ont ainsi de très bonnes bières et le nombre important de la communauté asiatique joue un rôle notable sur la consommation des boissons alcoolisées à Vancouver.
Le déclic et le changement sont venus par le développement de la gastronomie. La diversité de la population a permis aux Canadiens de découvrir de nouvelles saveurs et d’ouvrir les esprits à cette culture du vin.
Une grande richesse s’est développée avec l’arrivage des minorités ; « Malheureusement, encore trop de gens ont peur de rentrer dans les magasins de vin.
Souvent conscients de leur peu de connaissances, ils se dirigent automatiquement dans les Liquor Store. Or, il ne faut pas hésiter à demander conseil, expliquer ce que l’on aime et être curieux. » En un mot, apprendre à démystifier la culture du vin. Les boutiques de vin privées ont régulièrement des trouvailles à des prix abordables, « ces magasins sont tenus par des directeurs curieux qui fouillent dans des petites productions de pays peu connus. J’ai ainsi trouvé des vins étonnants de Roumanie par exemple. »
La popularité des vins du Nouveau-Monde
A l’inverse par exemple, les vins bio n’ont pas encore trouvé leur place à Vancouver, « c’est une chose qui me parait toujours étrange. Comment les Vancouvérois qui font toujours si attention à ce qu’il mange, négligent-ils ce qu’ils boivent ? » Si cela peut sembler incohérent, la spécia-
liste y voit une réponse simple. L’industrie dicte les goûts des consommateurs. Ils ont accès à ce qui se trouve sur leurs étagères, et leur choix sont souvent encore assez limités. Les vins du Nouveau-Monde, chiliens, argentins, sont souvent très appréciés tout comme les vins de la Vallée de l’Okanagan, malgré leur prix assez élevé. La Colombie-Britannique s’intéresse encore assez peu aux vins français, se limitant souvent aux Bordeaux, Bourgognes, aux vins de Loire et de Champagne.
Il est possible de trouver de bonnes bouteilles de vin français à partir de 15 dollars. « Ce qui est étonnant quand on compare avec les vins de l’Okanagan, dont les prix vont être plus élevés pour trouver de la qualité, entre 18 et 25 dollars. Malgré la proximité, les coûts de production sont plus importants ici. Il y a aussi peut être un peu de snobisme cependant. » Les Vancouvérois ne sont pas frileux, ils sont curieux mais ils n’ont pas élevés dans la culture du vin, il n’ont pas les mêmes papilles que les Européens par exemple. Il leur est donc plus difficile de sortir des sentiers battus.
Ils ne connaissent d’ailleurs pas du tout la tradition du Beaujolais nouveau, ce vin issu des cépages du Gamay. Il s’agit d’un événement purement français, relayé ici grâce à des organismes totalement francophones comme l’Alliance Française et l’association Vancouver en Français. Mais face la mauvaise réputation de ce vin, considéré comme de piètre qualité, juste prétexte à une fête populaire et commerciale, Louise Marie tient à préciser « on peut trouver de bons Beaujolais mais il faut une sérieuse sélection des cépages qui n’est pas toujours faite par les importateurs ici. »
Afin d’en connaître un peu plus, le salon Cornucopia ouvre ses portes à Whistler pour sa 17e édition. Et preuve de l’engouement grandissant des Vancouvérois, cette nouvelle édition s’étendra sur 11 jours au lieu des 5 habituels. Elle mêlera gastronomie et culture viticole, un bon moyen de découvrir les 25 meilleurs vins. Pour les plus curieux, La Source peut déjà vous annoncer que la France partage le podium final avec deux vins de l’Okanagan.
Beaujolais nouveau
Vendredi 22 novembre à 19h
Heritage Hall, Vancouver
http://www.alliancefrancaise.ca
Cornucopia
Du 7 au 17 novembre
http://www.whistlercornucopia.com