Mon amie Aditi, dont la famille est originaire du Pendjab, m’a invitée au mariage de son frère. C’était le troisième mariage auquel j’assistais en un mois. À Vancouver, c’était clairement la saison des mariages cet été. Eventuellement, mon conjoint (qui est de New Delhi) et moi, qui sommes ensemble depuis cinq ans, nous nous marierons. Reste à déterminer la date, le lieu et l’organisation.
Quand nous sommes entrés dans la salle de réception à Surrey, nous avons été accueillis dans un décor élégant et de bon goût, où se trouvaient un grand nombre de tables rondes destinées à recevoir les plus de cinq cents invités, boissons à volonté, un buffet et une piste de danse dotée d’un système de son puissant et d’un éclairage professionnel. Il y avait également une scène élevée en hauteur prévue pour les trônes des mariés qui faisaient directement face à l’entrée. Les femmes présentes à cette soirée étaient parées d’habits ornementés en tous genres, élégants, colorés et avec des broderies complexes, et les hommes revêtaient des costumes-cravates fringants. Tous les invités étaient, comme on dit au Canada, sur leur trente-six. Le sari que je portais pour cette occasion était plutôt simple en comparaison et correspondait davantage à mon style vestimentaire pour les tenues sud-asiatiques.
La mère de mon compagnon m’a rapporté un magnifique et simple sari bleu canard d’Inde il y a quelques années. Les bordures sont ornées d’un motif composé de rayures fines noir et or, tandis que la partie qui pend sur l’épaule révèle une bande violet foncé, puis la même finition noire et or. Il n’y a ni perle ni travail chic d’aucune sorte sur mon sari. Je portais un haut très court et sans manches, dans un tissu de type brocart teinté or, avec un dos plongeant et qui comportait un fil qui se nouait au milieu du dos. J’étais drapée du seul sari de ce type à cette soirée, ce qui démarquait de la foule. Malgré ma visibilité, j’étais complètement à l’aise car il reflétait mon goût pour les saris : je les aime simples et avec des couleurs vibrantes.
J’ai reçu de nombreux compliments sur mon sari, surtout lorsque que je me suis éclipsée aux toilettes pour l’ajuster que par l’intermédiaire d’Aditi, qui m’a rapporté que beaucoup avaient commenté sur la beauté de mon habit et la merveilleuse manière dont je le portais. Tout cela m’a rendu très heureuse – qui n’aime pas les compliments- mais mon sentiment va plus loin. J’ai éprouvé une sensation profonde d’acceptation.
Il arrive parfois qu’on me fasse un commentaire raciste ici et là, qui me rappelle juste que je suis une étrangère, étant blanche. C’est arrivé par exemple l’été dernier, alors que je participais à un barbecue organisé par un ami. Une des dames sud-asiatiques m’avait fait la remarque suivante: « est-ce que le poulet est trop épicé pour toi ? ». Elle avait vu que je touchais à peine à mon assiette et en avait conclu que je ne pouvais pas supporter le niveau d’épices. Ce commentaire m’avait légèrement offensé car cela faisait plus de cinq ans que j’étais avec un compagnon sud-asiatique, ce qui impliquait d’innombrables plats indiens (du nord comme du sud de l’Inde), sans compter qu’avant cette relation, je mangeais indien avec des amis. La raison pour laquelle je ne finissais pas mon plat n’avait donc rien à voir avec le niveau d’épices, mais avec le fait que j’ai adopté un régime plutôt végétarien, un choix en partie influencé par les multiples et délicieux plats végétariens que comporte la cuisine indienne et auxquels j’ai été exposée.
Le fait d’avoir reçu tant de compliments sur mon sari durant cette soirée et sans que mes origines ne rentrent en ligne de compte, m’a aidé à me sentir davantage acceptée dans la communauté. J’ai d’autres moyens d’acquérir cette acceptation, par exemple à travers ma connaissance des derniers films bollywoodiens et de leurs acteurs et actrices, grâce aussi à mon expérience dans une troupe de danse d’Asie du Sud et d’autres danses indiennes, ainsi qu’en apprenant la langue hindi. Cependant mon sari m’a permis de faire une excellente première impression, sur laquelle je peux rebondir pour entamer des conversations montrant mon appréciation, mon amour et ma curiosité pour cette culture.
Traduction Marie-Noël Campbell