Le débat parfois enflammé entourant le Sénat a très certainement mis en lumière l’illustre institution comme rarement auparavant. Malheureusement, pour toutes les mauvaises raisons. Si tant bien que les appels pour son abolition fusent de toutes parts.
Il y a cette citation qui me vient à l’esprit quand je pense à toute cette attention que reçoit le Sénat et ses occupants depuis quelque temps : « Que l’on parle de moi en bien ou que l’on parle de moi en mal, peu importe. L’essentiel c’est que l’on parle de moi. » Cela s’applique bien dans le cas du Sénat. Même si l’attention donnée à la mal-aimée des chambres du Parlement ne fait rien pour améliorer la réputation qu’on lui porte, il y a quand même peut-être une raison de se réjouir. C’est parce que jamais auparavant les Canadiens n’ont-ils pris la peine de s’instruire un peu plus sur le rôle du Sénat et des sénateurs.
Il est vrai que plusieurs, en fait cinquante pour cent selon un sondage d’Angus Reid, veulent l’abolition pure et simple du Sénat. Par contre, quarante-trois pour cent des personnes interrogées se sont dites prêtes à lui donner une autre chance pourvu qu’on le réforme.
Il est vrai qu’il n’y a pas l’ombre d’un doute que la situation actuelle est une occasion rêvée pour prôner l’abolition du Sénat, ou à tout le moins des réformes si souvent annoncées mais rarement mises en œuvre. Ironie du sort, en pleine tempête politique entourant le Salon rouge, la Cour suprême du Canada entend actuellement le renvoi du gouvernement canadien concernant la réforme du Sénat.
On ne sait pas que dira la Cour, mais il faut convenir qu’il y a certaines obligations constitutionnelles au sujet du Sénat qu’il y a lieu de moderniser. Après tout, certains fondements de notre société ont bien changé depuis 1867. C’est le cas par exemple de l’obligation de détenir au moins 4000 dollars en propriété. Une somme certes considérable en 1867, mais qui n’est aucunement le cas de nos jours. On peut comprendre qu’à l’époque le Sénat était l’affaire de l’élite. Cette obligation était en place pour ce faire. On voulait donner aux personnes les mieux nanties la responsabilité de surveiller, en quelque sorte, les gestes posés dans l’autre aile du parlement, la Chambre des communes.
Mais peut-on vraiment s’opposer à la position du gouvernement Harper d’abolir cette clause constitutionnelle? En fait, le seul moment où cette obligation est venue causer un contretemps à une nomination remonte à 1997 lorsque Jean Chrétien avait recommandé la nomination de Sœur Peggy Butts. Cette dernière, une sœur catholique avait fait vœu de pauvreté. Se faisant, elle n’avait évidemment pas de titre de propriété. Ce n’est que lorsque sa congrégation lui a transféré le titre de propriété d’un terrain qu’elle a pu prendre son siège.
Le processus de sélection des sénateurs aurait aussi tout lieu d’être modernisé afin de se mettre au diapason de notre démocratie.
On ne peut donc qu’espérer que les frasques du Sénat mèneront à tout le moins à un examen de son rôle par une population qui se sera arrêtée un instant pour mieux comprendre sa fonction, et ses rouages.
Pour ma part, je ne souhaite pas son abolition. Je me place plutôt dans le camp de ceux et celles qui veulent voir des réformes. Le temps est venu. Après tout, la dernière fois qu’il y a eu un changement important, outre le nombre de sénateurs modifiés à quelques reprises, a été en 1965 quand on a ajouté l’obligation de retraite à l’âge de soixante-quinze ans.