Y’aura-t-il une révolution démocratique à Ottawa? On peut se poser la question avec l’annonce que le député d’arrière-ban du Parti conservateur Michael Chong a l’intention de déposer un projet de loi d’intérêt privé visant à donner aux députés plus de pouvoir. En fait, au moment où cette chronique sera chez l’imprimeur, il y a tout lieu de croire qu’il aura eu la chance de le présenter aux Communes.
Avant d’aller plus loin, permettez-moi de répondre à la question posée dès mes premières lignes : non! Remarquez que cela n’enlève rien à un certain bien-fondé de la démarche du député ontarien. En fait, il a fait de la réforme démocratique du fonctionnement de la Chambre des communes l’un de ses sujets favoris. Ce n’est donc pas la première fois que le député en question tente de faire pencher la balance en faveur des députés a la Chambre des communes. En 2010, il y est allé de propositions touchant particulièrement la période des questions. Par exemple, il voulait que le mercredi soit une journée réservée uniquement aux questions posées au Premier ministre. En plus, il voulait briser la convention actuelle qui veut que les députés qui posent des questions lors de cette période soient choisis par le whip de leur formation en allouant au moins la moitié des questions à des députés dont le nom serait choisi au hasard.
Il en remet donc. Sa quête d’une institution qui reflète le fait qu’elle est formée, avant tout, de députés se poursuit avec ses nouvelles propositions. Pour ce que j’ai lu des changements qu’il propose, l’emprise quasi complète des chefs de parti sur leurs troupes serait passablement amoindrie. Il n’est évidemment pas le premier député à se plaindre du peu de pouvoir qu’ont, au bout du compte, les simples députés, surtout ceux qui font partie de l’équipe au pouvoir. En fait, c’est l’ancien premier ministre Pierre Elliot Trudeau qui nous avait un peu éduqués sur la question lorsqu’il a si gentiment fait le constat qu’à 50 mètres du Parlement, les députés sont des inconnus.
Avec un peu de recul, on peut conclure qu’il avait tort. Pour plusieurs, c’est à l’intérieur même du Parlement qu’ils passent inaperçus, la raison étant que la majorité doit se contenter de suivre un script préparé par leur chef respectif. Et attention à ceux et celles qui voudraient faire preuve de témérité en décidant de ne pas marcher au rythme du parti. Car, après tout, les chefs ont, en vertu de la Loi électorale du Canada, le dernier mot sur leur candidature aux élections générales. Nulle personne ne peut être candidate sans que le chef n’appose sa griffe sur le bulletin de candidature. C’est, de toute évidence, un énorme pensez-y bien pour quiconque voudrait jouer les trouble-fête au sein de son parti.
C’est d’ailleurs l’un des changements que veut apporter le député Chong.
C’est une idée qui vaut la peine d’être considérée sérieusement. Car après tout, le choix d’un candidat lors des élections dans une circonscription devrait être l’affaire des membres de la formation qui habitent ladite circonscription. Ce sont ces personnes qui, sur le terrain, sont les mieux placées pour choisir le porte-étendard de leur parti. Faut-il le rappeler, tout parti politique ne peut en toute conscience justifier son existence sans ses membres. De plus, si on leur fait confiance en leur donnant la responsabilité d’élire le chef des partis politiques, on pourrait croire qu’ils sont en mesure de faire le choix qui s’impose pour les candidats.
D’ailleurs, cela m’amène à commenter un changement proposé par Michael Chong sur lequel je ne suis pas d’accord. Il voudrait que les membres du caucus des partis politiques puissent décider de destituer leur chef. À ce chapitre, il va trop loin. Le choix des chefs et la décision de les renvoyer revient à tous les membres d’une formation et non seulement à ceux et celles qui siègent au Parlement. Si cette mesure était adoptée, le balancier pencherait trop en faveur des députés.
Mais, au fond, tout cet exercice est avant tout intellectuel. Car, il y a très peu de chance que les changements voient le jour. Toutefois, le débat engendré pourrait quand même agir comme tonifiant à notre démocratie.