C’est reparti comme en 14, avait l’habitude de dire mon grand-père chaque fois qu’il commençait quelque chose. Il voyait, dans cette expression du XXème siècle, un renouveau d’ardeur, d’enthousiasme et d’entrain. Il n’y percevait aucune allusion ironique à la Première Guerre mondiale qui fut si meurtrière et dura plus longtemps que prévu. Rempli d’illusions et de pensées naïves, il partait à l’attaque de sa journée le cœur vaillant. C’est dans cet esprit là que je pars moi aussi à l’assaut de cette nouvelle année.
Je l’aborde avec optimisme, ce qui n’est pas dans mes habitudes. Je ne vois pas la bouteille à moitié vide ni, cela coule de source, à moitié pleine. Je la vois flottante en pleine mer, bercée par l’espoir qu’un jour, quelqu’un viendra à sa rescousse. En 2013, j’ai attendu. Personne n’est venu. Aucun navire en vue. Aucune main tendue pour nous sortir du pétrin. Une année de mouise, aurait dit ma mémé qui était plus polie que moi et mariée à mon pépé, père de mon papa et pas de ma maman. Où est-il celui qui doit nous sauver quand nous avons la tête sous l’eau, bien que battant des pieds et des mains pour remonter à la surface, histoire de respirer un peu? 2013, en ce sens, fût une véritable torture.
Tous mes espoirs se tournent donc vers 2014. L’année de la rédemption. L’année où le rachat de mes péchés sera mis aux enchères par la municipalité de Vancouver qui me doit bien ça. Je trépigne d’impatience. J’attends beaucoup de cette année. J’attends de mes dirigeants politiques qu’ils se comportent avec décence, humilité et fortitude (si ce mot vieilli n’a pas, avec les années, perdu son sens). J’attends d’eux un comportement irréprochable, ce qui n’est certes pas trop leur demander. De même j’attends de nos athlètes, participant aux Jeux Olympiques d’hiver à Sotchi, qu’ils nous rapportent des bouteilles de vodka et non des médailles dont je ne saurais quoi faire. J’attends surtout d’eux qu’ils manifestent et affichent leur réprobation face à la politique homophobe de Vladimir Poutine. Ils pourraient par exemple montrer leur cul aux autorités russes en passant devant la tribune officielle lors du défilé d’ouverture. Vont-ils oser ? J’en doute. Il faudrait du culot pour le faire.
J’attends du Brésil une coupe du monde de football des plus emballantes possible. J’attends des supporters, d’où qu’ils viennent, une attitude sportive et non fascisante. J’attends, du pape François, qu’il n’attende pas la venue du Messie avant de véritablement transformer son église. Il semble toutefois bien parti pour y arriver. Ira-t-il jusqu’au bout ? Dieu seul le sait. Les forces du mal qui l’entourent, elles sont nombreuses et puissantes, risquent de l’en empêcher. J’attends beaucoup de ce souverain pontife. J’attends de lui qu’il chausse les souliers de Saint-Pierre et non de chez Gucci, pour prendre la relève de Nelson Mandela. Je ne vois personne d’autre, à l’heure actuelle, parmi la panoplie de soi-disant leaders, capable d’emprunter ce bâton de pèlerin laissé disponible.
J’attends des miracles sachant très bien qu’il faut un miracle pour obtenir des miracles. Par exemple, j’attends une année sans attentats. Et puis, espoir naïf, j’attends la fin des dictatures. J’attends la fin des hostilités au Moyen-Orient. J’attends la fin du régime d’Assad. J’attends de me mettre au régime pour perdre du poids. J’attends une ère nouvelle où l’air deviendrait plus respirable. J’attends aussi que mes rêves deviennent réalité. J’attends le gros lot de la Lotto. J’attends l’auto qui s’auto-conduira. J’attends le père Noël au tournant. Il va finir par livrer ses cadeaux à l’aide d’un drone fourni par Amazon. Par ailleurs, j’attends de certains mollahs, prêtres, rabbins ou gourous, qu’ils s’occupent de leurs ouailles et de leurs oignons, et non pas de répandre une idéologie haineuse. J’attends de la charte des valeurs québécoises un peu plus de laïcité et un peu moins d’opportunisme politique. J’attends le printemps et l’été pour me faire oublier l’automne et l’hiver. J’attends le réchauffement de la planète car j’ai horreur du froid. J’attends la suite du feuilleton de ma vie, toute futile et banale qu’elle soit. J’attends la fuite de mes idées en espérant pouvoir un jour la
colmater.
J’attends que la jeunesse se révolte et qu’elle ose demander ce à quoi j’ai eu droit, à savoir : un emploi et des avantages sociaux. J’attends de la droite conservatrice, un affaiblissement. J’attends de la gauche qu’elle ne soit pas maladroite, mais bien à gauche.
J’attends 2014 les bras ouverts. 2014, il y a longtemps que je t’attends. 2014, de tout cœur, en attendant 2015, je te souhaite bonne année. À vous aussi d’ailleurs.