Qui n’a jamais rêvé de partir dans un pays inconnu sur un coup de tête, sans même en connaître la langue ou la culture ? Rares sont cependant ceux qui sautent le pas comme l’a fait Catherine Evans. Cette enseignante spécialisée en tourisme a fait de l’interculturalité sa raison de vivre. Pour créer de nouveaux liens entre professeurs et élèves, au-delà de la langue et des barrières qu’elle peut créer.
Le 18 février prochain, elle animera d’ailleurs la conférence Journeys to Jinhua: Cross-Cultural Teaching in China à l’Université Capilano. Née en Ontario, Catherine Evans a toujours été passionnée par les voyages et la nature, « par le monde extérieur simplement », souligne-t-elle.
« J’ai commencé à voyager jeune et j’ai cherché un emploi qui puisse combiner mes passions. J’ai aussi toujours aimé enseigner mais je n’ai jamais été douée pour les langues étrangères. » Qu’à cela ne tienne.
Une communication pas seulement verbale
Elle boucle ses valises en 1985, à vingt ans, afin de faire un tour de l’Asie. « Je peux vous dire qu’à cette époque, être une jeune femme seule avec un sac à dos sur les route d’un pays dont elle ne connaît ni la langue, ni la culture, c’était un vrai défi. Mais ce voyage a été un véritable choc pour moi à cause du contraste avec mes origines. » Une révélation qui la poussera à revenir sur ce continent si différent du sien.
« En 2010, j’ai rencontré le gouvernement chinois lors d’un sommet sur le voyage et il m’a proposé de venir enseigner à l’université de Jinhua dans la province du Zhejiang. » C’est là que la professeure développe de nouvelles méthodes d’enseignement reléguant la langue au second plan.
« Je devais normalement enseigner en anglais et avoir un traducteur mandarin assigné dans chaque classe. » Mais un manque se fait sentir et il lui faut trouver une alternative. « J’ai alors compris qu’il était tout à fait possible d’apprendre indépendamment du langage verbal. » Il faut simplifier, revenir au message basique et compenser. « J’utilise beaucoup d’images, des diagrammes, des exemples pratiques. La communication devient plus facile, j’ai fait appel à d’autres ressources et appris à construire une vraie relation avec mes élèves. » Car si l’usage d’une même langue permet d’avoir un contact rapide, celui-ci peut se révéler aussi plus superficiel. Il vaut donc parfois la peine de s’affranchir du modèle où une classe écoute en silence un professeur énoncer une leçon.
Il faut apprendre à mettre en place une communication à la croisée des cultures, où l’on prend en compte les différences. Et Catherine Evans l’affirme, l’éducation se fait alors des deux côtés. « J’ai été touchée et j’ai beaucoup appris au contact de mes élèves en Chine. D’ailleurs, lors de mon dernier voyage, j’ai emmené ma fille de 13 ans avec moi. Elle non plus ne parle pas un mot de mandarin. » Elle a pu suivre des cours grâce à la démonstration des professeurs imitant les gestes ou les méthodes. « Et puis tous les jeunes ont des smartphones maintenant, alors une application dictionnaire peut dépanner s’il y a vraiment un problème dans la compréhension. » La professeure est formelle, son expérience est tout à fait transférable dans un autre pays. Elle songe d’ailleurs à l’Inde mais sourit : « cela dépendra des opportunités. »
Mettre en commun les réussites
Cette méthode d’enseignement pourrait aussi être appliquée aux nouveaux arrivants au Canada qui doivent s’approprier les codes d’une nouvelle vie. La spécialiste remarque que malgré la diversité si célèbre de Vancouver, beaucoup d’instructeurs ne sont pas préparés à cette mixité culturelle. Cela peut alors décourager certains étudiants. « Il est nécessaire de se sentir écouté, supporté, pris en considération durant cette importante phase de transition. »
Même si certains documents existent, il faudrait plus de ressources disponibles pour comprendre comment enseigner sans uniquement passer par la langue, partager ses réussites mais aussi ses échecs. « Je me souviens de jeunes avec qui la communication ne fonctionnait pas et je ne voyais pas d’où cela venait. En discutant avec d’autres professeurs, grâce à leur regard extérieur, j’ai compris où je me trompais. Il faut pouvoir sortir dès que possible du monde scolaire, entraîner ses élèves hors du cadre qu’ils connaissent. « En Chine, la manière d’apprendre était tout à fait différente, le côté critique est plus facilement laissé de côté alors qu’ici nous avons mis l’accent sur le côté individualiste dans l’apprentissage. » Il faut donc s’adapter et comme elle le conclut, « il faut s’extraire de notre boîte et comprendre que notre façon de faire n’est pas universelle, elle est seulement une manière possible de faire. »
« Our way is not the way, our way is one way. »
Jinhua: Cross-Cultural
Teaching in China
Mardi 18 février, 19h
Capilano University, Welsh Hall