Dans quelques jours s’ouvriront les XXIIe Jeux olympiques d’hiver de Sotchi en Russie. Découvrons donc Sotchi, puisque du 7 au 23 février, cette petite ville, au bord de la mer Noire, et au pied du massif du Caucase, où auront lieu les compétitions de ski alpin, sera mise en vedette.
Une ville d’environ 350 000 habitants située entre mer et montagne. Vous voyez, nous ne sommes pas les seuls au monde à bénéficier et à jouir des bienfaits de la nature. Les Russes aussi y ont droit. Un vent de nostalgie m’envahit. Je pense à Vancouver 2010. Quatre ans déjà. Le temps passe.
« Trop vite » avait l’habitude de répéter mon beau-père qui ne voyait pas d’un bon œil cette marche du temps. Et pourtant, on ne peut rien faire contre le temps. Il doit passer. « Passe, passe, le temps, il n’y en a plus pour très longtemps » chantait le trépassé et peu encourageant Georges Moustaki. Et bien nous y voilà. Février 2014, le mois et l’année des Jeux.
Le « moi » et les « je » doivent faire place à l’esprit des Jeux. Du moins en principe. C’est ce que le Baron Pierre Fredy de Coubertin, ancien champion de France de tir au pistolet et père de l’olympisme moderne, préconisait. Ce que l’on sait moins de lui, c’est son penchant pour le colonialisme et ses tendances racistes et misogynes. Il faut aussi savoir que la maxime rabâchée, lors de tous les Jeux olympiques et qu’on lui prête généreusement: « L’important n’est pas de gagner mais de participer »,
n’est pas de lui. Elle a été prononcée par un évêque anglican de Pennsylvanie. En fait, la véritable devise des Olympiques se lit ainsi : Citrius, altius, fortius. C’est à dire : plus vite, plus haut, plus fort. Vous en perdez votre latin. J’en sais des choses, n’est-ce pas ? Ah ! Wikipedia, que ferais-je sans toi? Retour en Russie après ce moment d’égarement.
Il me semble que Vladimir Poutine s’est inspiré de cette maxime latine pour l’organisation de ses Jeux. Voyons ça de plus près.
Citrius (plus vite) tout d’abord, pour la construction de latrines ou W.C. (vous avez dû voir les photos), risée du monde entier, dont le manque d’intimité a soulevé l’hilarité générale chez ceux qui ne devront pas s’en servir. À vouloir aller plus vite, on finit par aller trop loin dans le rapprochement des toilettes au village olympique de Sotchi. J’imagine que l’architecte de cette petite plaisanterie doit maintenant moisir dans un goulag au fin fond de la Sibérie.
Altius (plus haut), fait sans doute référence au budget des Jeux. Ils devaient coûter 20 milliards de dollars au départ. Le coût final, corruption comprise, risque de dépasser 50 milliards. On peut s’attendre à ce que l’addition finale atteigne des sommets jamais encore égalés, d’où la vue sera impre-
nable sans doute. Une façon de se placer au plus haut du podium. Outre la collection de médailles qu’ils vont certainement rafler, les Russes pourront se vanter d’avoir obtenu le titre, peu envié il va sans dire, d’avoir organisé l’olympiade la plus coûteuse de l’histoire. On établit les records qu’on peut.
Fortius (plus fort) : Il s’agit ici, nul doute, du pouvoir donné aux forces de l’ordre et à l’armée, afin d’endiguer toute manifestation ou rébellion susceptible de porter préjudice à la mère patrie et qui en ternirait l’image. Répression, exaction, arrestation, intimidation, voire même exécution, devraient faire partie du décor à Sotchi. Question de sécurité, vont se justifier les autorités locales. Et, par crainte d’attentats terroristes, nous les croirons. Le pouvoir sera le plus fort. Les athlètes et tous ceux qui se rendent à Sotchi croisent les doigts et espèrent que ce soit vrai. Mais après les Jeux que restera-t-il ? Un pouvoir moins autoritaire ? N’y comptez pas.
Et, finalement, j’aimerais ajouter un autre élément à cette maxime : Nimius (plus bas) (j’espère ici que mon latin ne fait pas défaut) qui convient parfaitement à l’état d’esprit de ces XXIIe Jeux olympiques d’hiver. Il faut que le Comité olympique international soit descendu bien bas pour avoir octroyé ces Jeux à un pays où la liberté d’expression et les droits de l’homme sont continuellement bafoués. C’est vrai qu’il y a eu des précédents. La Chine avec Pékin par exemple. Mais il me semble que les Russes ont dépassé les bornes, avec l’arrestation de dissidents politiques puis celle des Pussy Riot qui contestaient ouvertement le pouvoir de Poutine. Et, cerise sur le gâteau, l’homophobie du gouvernement russe. Je rêve de voir tous les athlètes présents à Sotchi défiler avec un emblème arc-en-ciel et faire un pied de nez à Poutine. Il faut saluer au passage la décision d’Obama de ne pas se rendre à Sotchi et d’envoyer à sa place une délégation où figurent de nombreuses personnalités ouvertement gaies.
À la veille de l’ouverture, je m’adresse maintenant aux dieux de l’Olympe : que les Jeux soient avec vous.