Sous le thème « la joie de vivre d’hier à aujourd’hui », la 16ème édition des Rendez-vous de la Francophonie du 7 au 23 mars prochain, chapeautée par La Fondation canadienne pour le dialogue des cultures, sera l’occasion pour les 10 millions de francophones vivant au Canada de célébrer leurs cultures et leurs histoires.
Toutefois si la francophonie dans l’Ouest canadien arbore de multiples visages et sait composer avec une diversité féconde, les pionniers de la langue de Molière sont souvent oubliés au profit des nouveaux arrivants.
Majorité silencieuse au sein de la minorité francophone, les Canadiens français auraient pourtant scellé les bases du bilinguisme dans les provinces de l’Ouest et du Nord du Canada, sans que leur legs ne soit pleinement mis en avant aujourd’hui. Mirage de l’histoire ou virage culturel ?
A la conquête de l’Ouest
Les premières expéditions sous la houlette d’Alexander Mackenzie et Simon Fraser ont été permises à la fin du 18ème siècle grâce aux dizaines de Canadiens français prêts à se lancer dans l’aventure. Dès 1817, ils étaient déjà plus de 300 à travailler dans la traite de fourrures dans le Nord-Ouest du Pacifique.
Face à l’absence de femmes blanches, la grande majorité de ces jeunes hommes issus de la Nouvelle-France ont tôt fait de s’établir avec des femmes autochtones.
« Plus longtemps les trappeurs restaient, plus loin ils se trouvaient de leurs lieux de résidence et plus ils étaient enclins à s’installer durablement », argumente Jean Barman, professeure d’histoire à UBC et auteure de French Canadians, Furs, and Indigenous Women in the Making of the Pacific Northwest.
Par le commerce et les mariages interethniques, les Canadiens français et leurs descendants Métis ont établi de solides relations avec les populations autochtones et ont recréé un microcosme de vie, à l’image de ce qu’ils avaient laissé en Nouvelle-France… surtout grâce à l’appui de l’Eglise.
L’hégémonie ecclésiastique
Leaders de la colonisation francophone, les missionnaires avaient pour projet de recréer un Québec dans tout l’Ouest canadien. Les paroisses jouaient un rôle prépondérant sur tous les pans de la communauté afin de garder dans leur giron les convertis de langue française.
« Avec la perte d’une ouaille c’était l’autorité de l’Église et la dîme nécessaire à l’entreprise de colonisation qui diminuaient », précise l’historien et président de la Société historique francophone de Colombie-Britannique Maurice Guibord.
Aux prises avec le nomadisme des Métis qu’il considérait comme vecteur de vice, le clergé de l’Ouest se sentait aussi menacé par la construction du Canadien Pacifique et l’afflux de migrants anglo-saxons qui s’en suivait.
« C’est la paroisse qui a fait de la province de Québec ce qu’elle est, c’est la paroisse qui nous gardera notre cachet national dans l’ambiance anglicisante de l’Ouest », affirmait en 1915 Monseigneur Marois, vicaire-général de l’archidiocèse de Régina.
Face au déséquilibre démographique grandissant, de vastes campagnes de persuasion furent menées avec ferveur afin d’attirer dans les Prairies les Canadiens français du Québec ou ceux installés aux Etats-Unis. Bien en dessous de leurs espérances, « ils se sont faits emportés par la vague culturelle venue de l’étranger », rappelle Maurice Guibord.
Défendre la langue française
Convaincus que « la langue est la gardienne de la foi » et qu’ils augmentaient leur chance d’aller au paradis, plus les colons étaient français, les clercs de l’Ouest se jetèrent corps et âme dans la promotion de la langue.
On leur doit d’abord un réseau d’écoles privées, couvents et autres collèges d’enseignement en français, tels que l’Université de Saint-Boniface, le collège de Vancouver ou le collège Mathieu en Saskatchewan.
Puis témoin de la vivacité culturelle, la presse ne fut pas en reste. Les Oblats ont aussi bien fondé et financé le journal La Liberté au Manitoba, Le Patriote de l’Ouest en Saskatchewan qui deviendra L’Eau vive ou encore le Franco, autrefois la Survivance en Alberta.
Les journaux maintiennent bon an mal an leurs tirages et continuent de fédérer comme le témoigne Meddri Salwa, responsable des communications à l’Accueil des Francophones au Manitoba, pour qui La Liberté est une véritable bouffée d’air pour les francophones. L’héritage passe aussi par les milliers de noms de lieux à consonance française, en particulier dans les rues de Maillardville, à Coquitlam en Colombie-Britannique.
Renforcer les relais identitaires
« Tous les éléments déterminants de la francophonie de l’Ouest étaient liés auparavant à l’Église, son retrait a conduit à marginaliser les éléments les plus dynamiques de la communauté », témoigne Réjean Beaulieu, suppléant au Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSF), arrivé de Québec 34 ans auparavant.
Pour bon nombre de Canadiens français qui migrent vers l’Ouest, priment désormais l’insertion par l’emploi et la nécessité absolue de parler l’anglais. Le français, perçu comme un frein à l’intégration, est alors relégué dans l’espace privé.
« Les Québécois et les Acadiens viennent avant tout pour le travail avec la volonté de retourner ensuite chez eux, ils ne développent pas nécessairement un engagement envers la communauté, tandis que les francophones d’Outre-mer migrent pour de bon », indique Maurice Guibord.
Avec 218 500 individus revendiquant le français comme langue maternelle dans les quatre provinces que sont la Saskatchewan, le Manitoba, la Colombie-Britannique et l’Alberta, les droits acquis par les Canadiens français au fil de l’histoire trouvent un terrain propice, mais sa mise en œuvre reste complexe.
Si selon le Ministère de l’Éducation en Colombie-Britannique, les demandes pour les programmes d’immersion ont plus que doublé sur la dernière décennie, cette popularité a un goût d’amertume pour l’historienne Jean Barman : « pour beaucoup, c’est comme aller dans des écoles privées, mais sans les frais de scolarité. »
Face à un avenir incertain, les relais de la communauté renaissent lentement des cendres de l’hégémonie ecclésiastique. Et de conclure Maurice Guibord :
« J’aimerais voir une participation accrue des nouveaux immigrants envers leur communauté francophone qui s’affaire et mérite leurs appuis. »
Et de conclure Maurice Guibord :
« J’aimerais voir une participation accrue des nouveaux immigrants envers leur communauté francophone qui s’affaire et mérite leurs appuis. »
J’aimerais voir une participation accrue de tous les anciens franco* envers leur communauté. à part TLMême, trop font du cherry picking dans leur participation, trop ne redonne pas.