Quand je dis à un Canadien que j’aime me promener dans le centre du Mexique pour visiter les vieilles villes coloniales, sa première question est souvent: est-ce que vous louez une voiture ? C’est normal, car pour voyager au Canada, le choix est presque exclusivement entre l’avion et l’automobile. Les trains sont chers, lents et peu fréquents et les autocars (autobus interurbains) le sont également en plus d’être très inconfortables. Il pense donc que c’est la même chose, ou pire, au Mexique. Quand je réponds que je préfère sillonner le Mexique dans les autocars, il semble surpris ou pense que je suis à la recherche d’une sorte « d’expérience tiers-monde. » Il m’imagine donc dans un vieux tacot déglingué, bondé de paysans exotiques qui se déplacent avec un sac de blé sur l’épaule et une chèvre sous le bras. Ces vieux bus pourris existent dans les campagnes mais ça n’a rien à voir avec les autocars qui assurent les liaisons entre les grandes villes du pays.
Les grands centres urbains sont tous dotés de gares routières dans lesquelles on trouve un choix de compagnies allant de la troisième classe au service de luxe. Les cars de deuxième classe sont aussi lents et inconfortables que nos bus Greyhound dans l’Ouest canadien, à la différence qu’au Mexique, ils sont très bon marché. Les premières classes et les services dits « grand luxe » sont, par contre, les bus que l’ont rêverait d’avoir au Canada. Les meilleurs n’ont que 24 sièges dans un véhicule où l’on en met habituellement 48. Ça veut dire des sièges semblables à ceux des premières classes dans les avions. Wi-Fi, toilettes, air climatisé, sandwich et boissons fraîches comprises dans le prix du billet, le tout pour un tarif allant de 5 à 7$ CDN pour chaque heure de voyage. Ces bus ne s’arrêtent que dans les grands centres et circulent principalement sur l’excellent réseau mexicain d’autoroutes à péage. Les chauffeurs en uniforme ne dépassent pas 90 km/h sinon, une sonnerie les rappelle à l’ordre.
Dans les gares routières, les utilisateurs des services de luxe bénéficient parfois de salles d’attente séparées. Avant de monter dans le car, il faut passer par un portique de sécurité muni de détecteur de métal et les bagages sont passés aux rayons X. Ça décourage les bandits de grand chemin qui sortent un pistolet et dévalisent les passagers avant de faire stopper le bus pour rejoindre un complice sur le bord de la route et prendre la fuite. Ce genre de crime arrive parfois sur les bus de deuxième classe, surtout la nuit. En voyageant dans les bus de première classe on paie un peu plus pour le confort, mais aussi pour une plus grande sécurité. Au cours des vingt dernières années, j’ai souvent voyagé au Mexique dans ce type d’autocars sans jamais avoir eu le moindre problème. Sur les grands axes routiers, comme par exemple, Mexico, Puebla, Jalapa, Veracruz, ou bien Mexico, Cuernavaca, Taxco, Acapulco ou encore Guadalajara, Tepic, Puerto Vallarta, les départs sont si fréquents que je ne m’en fais pas trop à propos des horaires. Je vais à la gare et je prends le prochain bus.
Les vieilles villes coloniales construites entre le 16e et 19e siècle sont dotées de rues étroites difficilement praticables pour les grands véhicules. Les gares routières sont donc souvent situées en dehors des centre-villes et proches des autoroutes. Mais, comme dans les aéroports mexicains, les gares routières ont des taxis à prix fixe. Il suffit d’acheter un billet de taxi au kiosque spécial situé dans la gare. Selon la distance, ça coûte de deux à quatre dollars pour faire le trajet de la gare au centre-ville. Après, il suffit de trouver un hôtel et de partir explorer ces merveilleuses vieilles villes où l’on se croirait en Europe plutôt qu’en Amérique du Nord. Vous passez une, deux ou trois journées dans la ville et quand vous en avez assez, il vous suffit de retourner à la gare routière pour prendre un bus vers la prochaine ville. Pas besoin de voyage organisé quand il est si facile de l’organiser tout seul.
Bizarrement, les Nord-américains sont relativement peu nombreux à visiter ces vieilles villes du centre du pays, comme si le Mexique ne se résumait qu’à quelques hôtels sur la plage. Dans le sud du pays, les touristes étrangers que j’ai pu rencontrer lors de ces voyages en autocar étaient plus souvent européens que canadiens ou américains. Il est vrai que si l’on ne parle pas espagnol, c’est un peu plus compliqué. Ces services ne sont pas spécialement conçus pour le tourisme. Mais ce n’est pas non plus si compliqué que ça de trouver quelqu’un qui parle un peu anglais ni d’apprendre quelques mots d’espagnol pour se rendre de A à B. Si vous en avez assez de la plage, des forfaits tout compris et des voyages organisés au prix fort, il convient de se souvenir qu’il existe un autre Mexique en dehors de Puerto Vallarta et Cancun. J’ai rencontré Frank, un retraité américain de 74 ans qui vit dans un village de Nouvelle Angleterre et qui chaque hiver prend l’avion jusqu’à San Diego, en Californie et de là, sillonne le Mexique en autocar et va parfois jusqu’en Amérique centrale. Il ne parle que quelques douzaines de mots espagnols mal prononcés, mais ça ne semble pas lui poser de problèmes. A savoir pourquoi il choisit de voyager comme ça, il répond, comme si c’était une évidence : « Parce que c’est facile et bon marché. »