Un bel hommage à l’Irlande, par le maître Ungerer!

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Maître des brumes, Tomie Ungerer

Un nouvel album de Tomi Ungerer est en général la promesse d’un délicieux moment de lecture à partager avec ses enfants. Maître des brumes ne déçoit pas et « embarque » littéralement le lecteur dans une Irlande entre légende et réalité qui fera rêver et frémir toute la famille… De quoi se mettre dans l’ambiance de la Saint-Patrick et de célébrer comme il se doit le pays d’adoption de l’auteur !

Un village de pêcheurs sur une île irlandaise coupée du monde : c’est là que vivent Finn et Cara avec leurs parents. Un jour, leur père leur offre une curragh, petite barque typique, pour explorer les alentours de leur île. Il leur recommande cependant de ne pas s’approcher de l’Ile aux Brumes, « cet endroit maudit » dont personne n’est revenu. On comprend alors que l’aventure et le mystère ne sont pas loin. C’est ainsi que dès leur première escapade, les deux enfants se trouvent pris dans un épais brouillard et de forts courants qui les mènent – étrange coïncidence – jusqu’à l’île interdite, territoire du « Maître des brumes », où ils vont découvrir le secret de l’origine du brouillard.

Maître des brumes est un album qui respire l’Irlande, de la dédicace initiale aux Irlandais aux illustrations, où l’on retrouve les paysages escarpés et les couleurs de l’île : le vert bien sûr, mais aussi le brun de la terre, le bleu de la mer et le gris de la brume et de la pierre. Mais c’est d’une Irlande entre légende et réalité qu’il s’agit, où le fabuleux se mêle habilement au réel pour créer un décor envoûtant propice au rêve. Ungerer déploie tout son talent d’illustrateur pour dépeindre et rendre hommage à une Irlande rurale, où les gens savent se contenter de peu. Il multiplie les scènes de genre, capturant sur le vif le quotidien des Irlandais, de la récolte de la tourbe au filage des filets dans les chaumières en passant par le gardiennage des moutons, et bien sûr l’incontournable soirée au pub avec musique et bonne humeur. On y trouve également quelques clins d’oeil sociaux comme le curé avec son verre de bière, ou la tradition celte avec la harpe du maître des brumes et les dolmens. On s’y croirait.

C’est alors que le surnaturel s’immisce, subtilement, donnant des yeux aux rochers et des griffes aux racines. Les illustrations sombres et brumeuses, où la seule lueur provient bien souvent de la lune, créent une am-
biance inquiétante où la tension ne cesse de monter, à l’image de cet escalier construit dans la falaise, que les enfants doivent « grimper, grimper et grimper encore », et qui atteint son apogée en même temps que les enfants atteignent cette porte au sommet. De quoi donner des frissons ! Là, ils rencontrent le mystérieux maître des brumes, un vieux barbu à la « voix caverneuse », qui, surprise, n’est pas celui qu’on attend, accueillis chaleureusement dans son antre, ils y découvrent un enchevêtrement de machines, poulies et manivelles ainsi qu’un puits vers le centre de la terre qui ne sont pas sans rappeler l’univers de Jules Verne. La clé du mystère est proche. Mais Ungerer, en grand conteur, prend son temps pour nous amener là : il ménage des pauses sous forme de double pages sans texte qui nous font retenir notre souffle, avant de relâcher toute la tension dans un dénouement « éclair. »

Finalement, Maître des brumes est une célébration de l’enfance, insouciante et audacieuse face aux peurs des adultes. Une enfance capable de percer les « mystères » du monde que les adultes ignorent et d’en comprendre la magie.

Un album fascinant, entre obscurité et émerveillement, à lire en famille !