Ouf! Je l’ai échappé belle. Mon nom ne figure pas sur la liste des 13 Canadiens déclarés persona non grata par la Russie. Poutine veut bien de moi. Ses représailles, après la rhétorique belliqueuse de notre Premier ministre, ne me touchent donc pas. Si je ne suis pas visé, j’aurais pu l’être. Poutine aurait pu aller jusqu’à 15, et là je n’y coupais pas.
Mais de toute façon, cela n’aurait fait aucune différence. Je préfère passer mes vacances sur les bords de la Méditerranée, plutôt que de me la couler douce sur les côtes de la Mer Noire. Et ne parlons même pas de Sotchi, qui doit être bien triste depuis que tous les sportifs ont fait leurs valises. Surtout que le sommet du G8 n’aura pas lieu dans ces lieux. Le G7, dans tous ses états, ne veut pas entendre parler du 8e État (la Russie pour ne pas la nommer) à qui il est reproché de ne pas être démocratique. Vraiment? Quelle belle surprise! L’annexion de la Crimée a du mal à passer. Notre Harper national se fait le champion de la profonde indignation des pays occidentaux. Notre Harper montre les dents. De Poutine, il n’a pas peur, notre Harpeur. Il monte aux créneaux, et va montrer à cet ancien du KGB de quel bois il se chauffe.
Ainsi donc nait la légende de l’ours et du castor qui prend l’allure d’une fable, dont le récit suit. Un castor mal emmanché fit, ces derniers temps, valoir son courroux. Sur la scène internationale, évènement fort peu banal, il exposa ses atouts. Un tant soit peu espiègle, sous l’œil bienveillant de l’aigle, ne manquant pas d’ardeur, le castor, exemple de rigueur, crut que ce fut l’heure d’étaler son courage en sortant de sa cage. L’enjeu était énorme. Inutile d’y mettre les formes. Pas question de partager ce gâteau à la crème qui venait de l’Ukraine. Animé par sa haine, le castor ne ménagea pas sa peine. Il partit à la course au devant de cet ours qui venait de lui chiper la crème du gâteau tant convoité.
Voyant arriver cette bestiole mal culottée, l’ours fit mine de l’ignorer. Le castor, offusqué, rongea son frein. Comment se fait-il, se demanda-t-il, qu’ayant accueilli au sein du groupe des sept nains la belle Blanche neige, qui du blanc passa au beige, elle puisse prendre la peau de l’ours avant de l’avoir vendu en bourse? De sa réflexion, il fit part aux autres. Ceux-ci, bons apôtres, lui donnèrent carte blanche, lui promettant leur soutien et, si tout se passait bien, de prier pour lui tous les dimanches. Le castor, ainsi rassuré, après avoir fait part de ses plans à l’aigle Barack, repartit à l’attaque. Le coq français, peu convaincu de l’entreprise, s’avoua finalement vaincu et finit par lâcher prise. Le castor pouvait, dorénavant, prendre les devants et, à l’ours, cette grosse canaille, livrer bataille.
Le rongeur, ravi de la tournure des évènements découlant de son action, prit un moment afin d’évaluer la situation. Ceci fait, il poussa un cri de satisfaction. Il avait enfin réussi, fait peu normal, à se faire remarquer sur la scène intercontinentale. On ne parlait que de lui. Et lui, loin de chez lui et de tous ses ennuis, ne pouvait, faute de pudeur, cacher son bonheur. Car au pays, d’où il venait, les affaires marchaient mal. Tout le monde criait: « Ô scandale! », alors que les politiciens, quels que soient leurs moyens, sans la moindre gêne et sans se faire de peine, chaussaient leurs sandales pour aller s’éclater au soleil et, au contraire des abeilles, se la coulaient douce sans avoir à lever le plus petit pouce. Tout cela aux frais des contribuables devenus, du coup, moins affables. Ainsi, le castor partit sans danger à l’étranger, pour voir ce qui restait du gâteau à la crème, et put profiter de cette aubaine que lui procurait l’Ukraine. Il pouvait dès lors divertir l’attention et pointer du doigt l’autre nation où, selon lui, vivait l’animal à l’origine du mal. L’ayant retrouvé, le castor, sans recevoir de directives, le couvrit d’invectives. L’ours mit le poing sur la table et renversa le sirop d’érable. Notre castor aurait bien voulu lui déclarer la guerre et, tant qu’à faire, envoyer sa marine. Mais celle-ci, tombée en panne dans l’océan Indien, faute d’entretien, avait bien triste mine. Alors il fit appel aux mots pour lui faire du mal.
Question pratique, opération de logistique pour consommation domestique. L’ours comprit l’intention et n’y prêta pas attention. Ceinture noire de judo, ce qui n’est pas un cadeau, et, comme ses compatriotes, maitre aux échecs, il ne chercha pas, on ne sait pourquoi, à lui clouer le bec. Il tint tout de même à donner à ce freluquet peu coquet, une petite leçon qu’il concocta à sa façon. Admirez la mise en scène. Après avoir avalé la crème, il fit mine de s’emparer, peut-être un peu trop tôt, d’une autre partie du gâteau, tant convoitée par la faune européenne. Cette dernière poussa des cris de stupeur, mais, sur l’heure, ne put agir et se ressaisir, prouvant ainsi que ce n’est pas toujours l’union, mais parfois la malice, qui fait la force.
Ainsi, l’ours, ce renard venu du froid, a pu prouver, à bien des égards, qu’à ce jeu il est le roi. Quand au castor, qu’il fasse attention. Lorsque monte la tension, il encourt (je ne tiens pas à le démontrer) de se faire castrer. À cela rien de comique… comme cette chronique.