Plus que jamais, la stratégie électorale du gouvernement Harper semble être limpide : diviser pour mieux régner. Ses apôtres pourraient être en désaccord avec ce constat, mais de plus en plus les gestes posés par le premier ministre et ses mignons laissent peu de choix quant à la conclusion qui s’impose.
Le plus récent exemple est cette guerre des mots avec nul autre que la Juge en chef de la Cour suprême du Canada. C’est du jamais vu, du moins dans l’histoire moderne du Canada. Nombreux sont ceux qui, avec raison, ont opiné qu’il est tout à fait correct dans notre démocratie de ne pas être en accord avec les jugements de nos tribunaux. C’est pourquoi il y a des dispositions en ce sens qui permettent aux gouvernements et aux individus d’en appeler des décisions.
Toutefois, à un moment donné, il doit y avoir une finalité aux appels. Et au pays, comme dans bien d’autres, ce rôle appartient à la Cour suprême qui se trouve au sommet de la pyramide du système judiciaire. On le sait, ses décisions sont sans appel. Ce qui ne veut pas dire qu’un gouvernement n’a pas en sa possession des moyens pour répondre à des jugements qui émanent de cette cour. Les gouvernements ont toujours la possibilité de changer les lois, pourvu qu’elles remplissent les conditions édictées par le plus haut tribunal. On en a eu des exemples en Colombie-Britannique dans le conflit qui a opposé le gouvernement et le syndicat des enseignants.
Mais dans le cas du gouvernement conservateur à Ottawa, on sait qu’une de ses préoccupations centrales a toujours été justement les pouvoirs des tribunaux. Le premier ministre actuel est de l’école de pensée que c’est au Parlement de faire les lois, non pas aux tribunaux. En fait, le premier ministre a raison. C’est au Parlement de faire les lois. C’est l’un des piliers de notre démocratie parlementaire. Le Parlement et les législatures provinciales sont chargés de présenter et d’adopter différentes mesures législatives.
Il est vrai que l’on ne peut s’opposer à ce principe fondamental de la séparation des pouvoirs entre le Parlement et les tribunaux. Toutefois, c’est la façon avec laquelle le gouvernement utilise les sous-entendus en ce qui a trait au pouvoir des tribunaux qui cause des grincements de dents. Cette approche est au cœur de la politique de la division qui trône en tête de liste dans la stratégie électorale des conservateurs. Cette façon de faire a été et continue d’être le modus operandi du Parti républicain aux États-Unis. C’est vrai qu’il n’y a rien de vraiment très élégant à cette façon d’approcher un fondement de notre démocratie comme une élection générale, mais ce genre de machinations connaît toujours un certain succès.
Ce qui me ramène à la prise de bec publique entre le premier ministre et la Juge en chef. Le tout est si bizarre qu’on ne peut effectivement que conclure à un calcul politique pour fortifier la base partisane du parti conservateur. C’est un peu triste, mais la politique de la division permet plus souvent qu’autrement de mettre en garde les troupes et d’amasser des fonds. Y’a-t-il des limites ? On le saura bien lors des prochaines élections générales.