Le prince de Galles, Charles de son prénom, et son épouse, Camilla, duchesse de Cornwall, ont bien voulu, la semaine dernière, nous honorer de leur présence. En fait, ils n’ont passé que quatre jours au Canada, principalement dans l’Ile du Prince Édouard, nommée en l’honneur d’un aïeul du prince. Cette visite, somme toute assez brève, serait passée presque inaperçue si ce n’avait été d’une remarque à l’emporte-pièce du prince qui en pince pour les déclarations provocantes. De passage à Halifax, au cours d’une conversation anodine avec une survivante de l’Holocauste, le prince a comparé Vladimir Poutine à Hitler.
Je veux bien croire tout le mal que l’on dit de Poutine, mais de là à le comparer à Hitler, il y a un pas que le prince, qu’on sort peut-être un peu trop souvent, n’aurait pas dû franchir. Il devrait savoir qu’il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de dire un mot. Et quand on est prince, cela devrait être dix fois, au moins. Mais Charles a le don de jouer les charlots. Sa langue, plutôt que de la tenir dans sa poche, il l’a dans la semelle de ses chaussures, avec lesquelles il mériterait qu’on lui donne un bon coup de pied au bas des reins. (J’aurais pu écrire « au cul » mais je ne veux pas commettre un crime de lèse majesté).
Comme vous pouvez le constater, une fois encore, je m’en prends à la monarchie britannique, que je ne porte pas en plus haute estime. C’est une proie facile, me direz-vous. La presse people en raffole. Et pour cause, la famille royale britannique a le don de faire bourde sur bourde. Chaque fois qu’elle défraie les manchettes, cela déclenche en moi un sursaut de révolte. Cela me donne la chair de poule. Je développe des tics du tac au tac. J’ai envie de sauter au plafond ou de grimper aux rideaux. J’ai de la peine à respirer. J’hyperventile. Je suis allergique à la monarchie. Aucun remède ne peut y remédier. Mon médecin me recommande de ne plus lire les journaux et de ne pas prêter attention aux infos. Mais c’est plus fort que moi.
Électricien de formation, je dois me tenir au courant. Il faut que je sache ce qui se passe.
Alors, lorsque le prince passe par là, ça ne passe pas. Je ne l’avale pas. Je remets à chaque fois en question l’utilité de la famille royale pour le Canada. Ces princes et ces princesses à quoi servent-ils ? À nous rappeler qu’autrefois il y a eu le Moyen-Âge ? Qu’aujourd’hui, il existe encore des anomalies ? Que nous sommes toujours les sujets d’une étrange bizarrerie ? Si au moins ils ne faisaient pas parler d’eux, ce serait supportable. À la limite, ce pourrait être acceptable. Mais non, ils n’ont même pas la décence d’être discrets. Il faut qu’ils s’exposent. J’explose. Il faut qu’ils donnent leur avis, qu’ils fassent valoir leur opinion, qu’ils s’expriment sur tout et n’importe quoi, comme si cela avait un intérêt quelconque.
Oui, je sais, on pourrait me reprocher de m’embarquer dans la même déviance avec cette chronique bi-mensuelle et l’on aurait raison. Mais, à ma décharge, il y a deux grosses différences entre le prince Charles et Moi (admirez au passage la majuscule qui me rabaisse à son niveau). En dehors du fait que je trouve ma femme plus belle que la sienne, mon opinion, heureusement, n’a qu’une portée limitée aux francophones de la province, la sienne est reprise ad nauseam dans tous les médias. Alors que la mienne ne se prend pas au sérieux, la sienne se veut éclairée tout en manquant souvent de jugement. Que le prince s’intéresse à l’environnement et aux questions sociales c’est fort louable, mais, qu’il nous en fasse part lors de chacun de ses déplacements, cela frise le ridicule. Et relève de la plus grande hypocrisie. Serait-il machiavel notre prince? Comment, vivant dans une tour d’ivoire d’où il ne peut rien voir, entouré du luxe le plus indécent, peut-il se faire une idée de la réalité quotidienne ? Comment ose-t-il nous donner des leçons sur notre façon de vivre ? Cet héritier m’irrite.
Les chances du prince Charles, toutefois, de devenir roi sont bien minces. Sa mère, la reine, ne tient pas, dans l’immédiat, à lâcher les rênes du pouvoir. Maman connaît son fils et n’est pas prête à lui confier les clés du Royaume, dont le Canada fait partie. Alors tout ce que l’on demande à ce petit prince, pas charmant pour un sou, c’est de se contenter de serrer des mains, de couper des rubans et de la boucler. Vive le Canada libre.