Les adeptes vancouvérois du barbecue que nous avons rencontrés sont unanimes : aujourd’hui, il n’y a plus une, mais une pléthore de façons de cuisiner sur le gril en extérieur. La tendance est à la créativité, meilleur moyen d’éveiller ses papilles et sa curiosité. Une recommandation à consommer sans modération.
Les beaux jours sont de retour. C’est le moment de dépoussiérer son barbecue et de lustrer pinces et spatules. Promesse d’un moment convivial en famille ou entre amis, ces repas en extérieur sont une institution en Amérique du Nord. Mais pas seulement. De l’Afrique à l’Asie en passant par l’Europe, chaque culture les a intégrés à son art culinaire. Ici à Vancouver, contrées métissées, le barbecue s’accommode de mille et une manières.
Quand on lui suggère la cuisine sur le gril, Marc-André Rapp, étudiant en architecture à UBC, pense aussitôt : « hamburgers ou hot-dogs, bières et journée ensoleillée ». En juillet 2013, à Coquitlam, ce sont des gésiers et cœurs de poulet accompagnés d’huîtres crues et de langue de bœuf marinée que son amie taïwanaise lui a servis. Des plats typiques de chez elle, lui a-t-elle dit. « Cela faisait plusieurs années que j’avais adopté un régime végétarien. Je recommençais à manger de la viande depuis peu. Au début, ça m’a surpris. Par curiosité, j’ai goûté. C’était très bon ! »
Tout se cuisine au barbecue. Un zeste d’audace et une pincée d’imagination suffisent à le démontrer. Vincent Gogolek est de ceux qui ne s’imposent aucune limite. Président de l’Association de défense de la liberté d’information et de la vie privée, il est un mordu de ce mode de cuisson. Il s’est notamment illustré dans plusieurs compétitions : le barbecue ne se déguste pas seulement, il donne aussi lieu à d’âpres affrontements. En 2001, lui et ses co-équipiers furent les premiers Canadiens à remporter un concours aux États-Unis, celui en Oregon. En 2004, à Whistler, ils ont gagné le championnat national au dam des Américains, jamais détrônés depuis sa création en 1988.
« La cuisine des pauvres »
Son mariage culinaire le plus improbable ? Un filet de saumon cuit sur une planche de bois aromatisé d’une sauce au whisky, au sirop d’érable et aux piments.
« Un régal ! », assure-t-il. Tout comme cette épaule de porc préparée à sa façon, aussi fondante qu’une tranche de foie gras. « À l’origine, le barbecue était la cuisine des pauvres. Il leur permettait de consommer les gros morceaux de viande pas chers et qui prennent du temps à cuire. » Parce que le barbecue s’est aujourd’hui popularisé, le prix de cette viande initialement bon marché n’est plus ce qu’il était. Raison de plus pour innover.
Pour la deuxième année consécutive, Navy Zhang anime un stand sur le marché de nuit de Richmond, qui se tient actuellement tous les jours dès 19 heures sur River Road. Le sien a la particularité de proposer des poissons entiers, monnayant une dizaine de dollars. Comprimés entre deux larges pinces et assaisonnés comme il se doit, ses rascasses et colins font sensation. Pour le cuisinier, le bénéfice est non négligeable. « Je n’ai pas de perte entre la marchandise achetée et celle revendue aux clients. »
S’il sait les Canadiens férus de saveurs sucrées, lui s’évertue à miser sur les épices et un goût relevé, propre à la cuisine qu’il dégustait enfant en Chine.
Quand il s’agit de barbecue, Paula Cruz aussi parie sur l’authenticité et ses origines philippines. « Choisir des produits frais de qualité, c’est essentiel. Nos marinades font le reste. » Bien que la restauratrice de Burnaby refuse d’en lister les ingrédients, elle garantit que son barbecue « est meilleur qu’ici ». Avant d’ajouter : « Aux Philippines, il fait beau toute l’année. Cuisiner dehors, on connaît. »
Jouissance gustative assurée
Les recettes au barbecue ne manquent pas. Des traditionnelles aux plus originales, il y a de quoi satisfaire tous les palais. Les végétariens auraient tort de s’en priver. Un champignon Portobello mis sur le feu et coincé entre deux tranches de pain de seigle constitue un plat aussi roboratif qu’un hamburger. Encore plus lorsqu’il est accompagné d’un guacamole. Bon pour la santé, bon pour la ligne, c’est le plat gagnant.
Selon les fins connaisseurs, une pizza cuite sur le gril serait plus croustillante qu’enfournée et pourvue d’un subtil goût fumé. Il est tout de même conseillé de précuire sa pâte avant de la mettre sur les braises. Même des desserts peuvent se cuisiner au barbecue. Laisser rissoler des quartiers d’ananas, de pomme, de poire ou de nectarine au-dessus des flammes leur donne une saveur caramélisée incomparable. Les accompagner d’une boule de glace vanille ou noix de coco (faite maison de préférence) et c’est la jouissance gustative assurée.
Réunir ses proches autour du feu n’est pas seulement une affaire de goût. « Le plus important, c’est de faire plaisir à ceux qu’on aime et de se faire plaisir, en partageant un bon repas », affirme Vincent Gogolek, livrant ainsi sa recette du plus savoureux des barbecues.
Trucs et astuces
La réussite d’un barbecue tient à peu de choses. « Quand vous avez un produit de qualité, c’est inutile d’en faire des tonnes. Du sel, du poivre et un peu de jus de citron suffisent à le sublimer », considère Vincent Gogolek, vainqueur en équipe du championnat canadien du barbecue en 2004.
Cela fait une vingtaine d’années qu’il s’est essayé à cette cuisine.
« À la fin du siècle passé », comme il s’amuse à le faire remarquer, un ami de Calgary qui venait d’acheter un de ces appareils au Texas l’a encouragé à se lancer. Il n’a jamais arrêté depuis. C’est dire s’il a pris le temps de peaufiner ses techniques, d’apprendre de ses erreurs de débutant.
« La sauce barbecue en est une. Beaucoup en badigeonnent leur viande, avant de la mettre sur le gril. Cette sauce contient du sucre qui brûle pendant la cuisson. Si vous voulez éviter de manger une viande au goût de cendrier, il est préférable de l’ajouter à la toute fin. » Autre combine, ensacher les morceaux dans du plastique avec un mélange d’eau et de votre assaisonnement de prédilection.
« En les conservant ainsi pendant plusieurs heures, ils s’imprègnent entièrement de cette solution. »
Vincent Gogolek ne jure que par le charbon de bois, jugé « plus naturel » que les briquettes, et n’oublie pas de laisser sa viande ou son poisson reposer quelques minutes avant de les déguster.
« Aussitôt l’aliment retiré du feu, ça ne sert à rien de se précipiter. Au contraire, attendre en modifie la texture et permet aux saveurs de se propager. »
Et quand l’inspiration lui manque, il peut toujours compter
sur son ami Ron Shewchuk dit Rockie’ Ronnie. Celui-là même avec qui il partage ses victoires, qui est aussi l’auteur de plusieurs livres de recettes.