Née d’une mère juive et d’un père musulman marocain qu’elle n’a jamais connu, Nadia Sweeny, jeune journaliste de 24 ans, se cherche. Pour combler son vide identitaire, elle décide de partir en quête de ses origines dans les territoires palestiniens. Là, elle rencontre Amjad, un jeune réfugié qu’elle va épouser, à l’insu de sa famille en France. Très vite, elle va découvrir la réalité de la vie dans les camps palestiniens, bien loin du confort occidental et des traditions françaises. Un témoignage poignant d’une jeune femme prise dans les paradoxes de la société palestinienne et qui va connaître une véritable cauchemar éveillé.
« Je suis partie avec la naïveté, la curiosité et la spontanéité d’une adolescente et je suis revenue avec la lucidité parfois douloureuse d’une adulte. » Tel est le bilan dressé par Nadia Sweeny à l’issue de son expérience palestinienne en tant que « réfugiée identitaire », véritable « guerre contre elle-même » dont elle est revenue « fatiguée et transformée ».
A l’exaltation des premiers moments – la défense de la cause palestinienne dans le conflit avec Israël, le mariage avec Amjad – succède la prise de conscience des dures lois de la réalité : les bombardements et la mort omniprésente dans les camps de réfugiés, les incursions de l’armée israé-
lienne, et surtout le poids des traditions, qui s’avèrent parfois bien plus oppressantes que l’occupation israélienne. Ces traditions, Nadia les connaît bien en théorie, mais elle se rend rapidement compte de la difficulté de les mettre en pratique pour une occidentale peu habituée à se soumettre aux quatre volontés des hommes autour d’elle. Cependant elle tient bon et, tout en adoptant le rôle de l’épouse soumise, commence à écrire des articles sur le conflit israélo-palestinien pour un journal, ce qui lui permet d’échapper quelque peu à l’emprise de son mari. Entre Ramallah et Naplouse, la jeune femme devient « la fille des camps » et parvient à se fondre dans la société palestinienne au point de devenir l’une des leurs. Jusqu’au jour où Amjad, de plus en plus possessif, la bat, lui provoquant une commotion cérébrale nécessitant une opération d’urgence dans un hôpital à Israël. Commence alors une véritable descente aux enfers pour Nadia, qui se trouvera obligée de fuir la société où elle pensait trouver les réponses à ses questions.
Présenté sous forme de journal, dans un style clair et efficace, La fille des camps nous fait découvrir au jour le jour la vie de Nadia en Palestine. Ce qui frappe d’emblée, c’est sa rage de vivre, qui la pousse à venir s’installer dans ce territoire de conflit permanent, où la vie ne tient justement qu’à un fil, ce qui lui en fait apprécier d’autant plus la valeur. De même, son obstination à se fondre dans sa société d’accueil, malgré la barrière de la langue et surtout de la culture, aux antipodes de la société française où elle a grandi, est bouleversante. C’est un véritable témoignage « de l’intérieur », qui nous est offert et qui nous permet d’appréhender le Moyen-Orient sous un angle différent du discours des médias, plus « anthropologique », qui met en valeur les habitants, leur quotidien et leur façon de penser. On y découvre alors les paradoxes de la société palestinienne, entre résistance et survie, envie de modernité et attachement aux traditions, conflit avec Israël et crimes d’honneur au sein-même des familles, espoir et résignation. Le contraste avec nos sociétés occidentales n’en est que plus saisissant.
Entrecoupant le récit personnel de Nadia, se trouvent des articles qu’elle a elle-même écrits en tant que journaliste couvrant le conflit israélo-palestinien, qui permettent d’en mieux comprendre les tenants et les aboutissants. L’objectivité rejoint alors la subjectivité pour offrir un récit bien équilibré, entre faits vus et faits vécus, qui ne laisse pas insensible.
En bref, c’est un livre qui vaut le détour de par l’incursion unique et forte qu’il offre dans la société palestinienne mais aussi de par la réflexion qu’il suscite sur le dialogue et la cohabitation entre les cultures.