Comment lutter efficacement contre le chômage des jeunes ? En les incitant à lancer leur propre entreprise, affirment celles et ceux qui croient en leurs idées et en leur potentiel. En dépit d’un contexte favorable au Canada, le développement de l’entrepreneuriat se heurte encore à bon nombre de barrières, tant au niveau des mentalités que des dispositifs de mise en place, notamment en Colombie-Britannique.
Le taux de chômage chez les jeunes est un phénomène inquiétant. Au Canada, il atteint les 14% ;
en Europe et dans certains pays émergents, il dépasse les 20%. D’ici 2030, les pays membres du G20* ont pour ambition de le faire passer, à l’échelle mondiale, sous la barre des 10%. Parmi les solutions avancées pour y arriver, l’entrepreneuriat a ses défenseurs. Le sujet a été abordé en juillet dernier, à Sydney (en Australie), lors du sommet de l’Alliance des jeunes entrepreneurs (AJE) du G20.
Une délégation canadienne réunissant treize jeunes chefs d’entreprise y a participé. Ce rendez-vous annuel en était à sa cinquième édition. Il vise à promouvoir l’entrepreneuriat auprès des nouveaux arrivants sur le marché du travail. Le sommet gagne en importance. L’inactivité des jeunes étant devenue un enjeu majeur, de plus en plus de dirigeants se montrent attentifs à ce qui s’y dit, aux idées proposées.
La rencontre de juillet a aussi été l’occasion, pour ses participants, de brosser la situation de l’entrepreneuriat dans le monde. Au Canada, il se porte bien. Le pays figure dans le peloton de tête de ceux du G20 où lancer son entreprise est le plus propice sur un plan économique. Devenir son propre patron séduit les jeunes travailleurs attirés par l’indépendance que cela suggère.
Frein culturel
Selon une étude menée par la Banque du développement du Canada, la Colombie-Britannique est la province où l’on constate le plus grand nombre de créations d’entreprise. Les entrepreneurs y représentent 5,29% de la population active. C’est plus que la moyenne nationale qui s’établit à 4,47%. Pour certains observateurs, ce pourcentage pourrait être plus élevé, à condition d’outrepasser les barrières qui ralentissent le développement de l’entrepreneuriat, au Canada.
À commencer par un frein culturel. « Monter son propre business reste mal vu. Beaucoup voient ça comme un risque qui les mènera à la catastrophe. Dans notre société, ce n’est pas admis d’échouer », considère Lisa von Sturmer. Installée à Vancouver, la jeune femme a participé au dernier sommet de l’AJE. C’était la quatrième fois qu’elle s’y rendait.
Aussi alléchant soit-il, l’entrepreneuriat n’est pas toujours synonyme de réussite. Près de la moitié des petites et moyennes entreprises (les PME) mettent la clef sous la porte dans les cinq ans qui suivent leur ouverture. Néanmoins, ce taux d’attrition reste moindre par rapport à celui calculé dans d’autres pays, tels que les États-Unis, les Pays-Bas ou la Nouvelle-Zélande. Lisa von Sturmer aime à penser que la « mauvaise »
image de l’entrepreneuriat s’atténue.
Patience et détermination
« Des programmes comme Dragon’s Den changent la perception qu’on s’en fait. Ça montre qu’il est possible d’y arriver. » Dans cette émission de télé-réalité diffusée sur la chaîne CBC depuis 2006, des candidats soumettent leurs idées d’entreprise ou de service à des investisseurs, espérant les convaincre de les financer. Inspiré d’un modèle japonais, Dragon’s Den est plébiscité par le public. La neuvième saison doit débuter le mois prochain.
Obtenir les fonds nécessaires pour ouvrir son affaire est une autre embûche de taille dans le parcours d’un jeune entrepreneur. Au point d’en décourager plus d’un. « Il n’y a pas assez d’aide au développement de l’entrepreneuriat dans notre pays. Le gouvernement de Colombie-Britannique donne très peu. Les banques, également. Elles deviennent frileuses dès qu’il s’agit de prêter de l’argent à des jeunes qui veulent se lancer. Ce ne sont pas leurs clients favoris », poursuit Lisa von Sturmer. Un sondage réalisé par le cabinet de vérification Ernst & Young révèle que 73% des entrepreneurs canadiens assimilent le financement de leur société à un véritable défi. C’est plus que dans le reste du G20.
Ces difficultés, Winston Chan les a, lui aussi, connues. Le chemin qui l’a mené jusqu’au sommet de l’AJE n’a pas été un long fleuve tranquille. « Le secret ? De la détermination, une solide organisation et se faire accompagner », confie le chiropraticien montréalais. Un mentor évite bien des erreurs. La patience est essentielle. « On vit dans le monde de l’instantanéité. On veut tout, tout de suite. S’établir, réussir, ça prend du temps. » Encore plus pour les femmes – le monde de l’entrepreneuriat est majoritairement masculin – et/ou les personnes issues de la diversité, comme Winston Chan, Chinois d’origine.
À force de ténacité, il a su transformer cet obstacle pour les uns en avantage. Au point de devenir une figure au sein des cercles d’influence canadiens. En 2012, l’agence de presse québécoise Média Mosaïque l’a nommé personnalité de l’année. Winston Chan vante la diversité à titre de valeur fondamentale. « Elle montre combien le succès est à la portée de tous. Qu’importe d’où l’on vient, si l’on est porteur d’un handicap, ou son orientation sexuelle. » Des propos qui ne sont pas seulement de belles paroles. Les études prouvent que les entreprises dirigées par des personnes issues des minorités ou qui les embauchent, y compris à des postes à haute responsabilité, sont plus rentables et performantes que les autres.
*Fondé en 1999, le Groupe des 20 (G20) est composé de dix-neuf pays, dont le Canada, et de l’Union européenne. Régulièrement, les chefs d’États, les ministres et les responsables des banques centrales se réunissent et discutent de thèmes dans un souci de concertation internationale. Le G20 rassemble les deux tiers de la population mondiale.
Plus de solidarité entre les entreprises francophones
Winston Chan est persuadé que l’entrepreneuriat est une solution contre le chômage des jeunes. Mieux, il le perçoit comme un générateur d’emploi. Un entrepreneur qui réussit cherchera à se développer et donc recrutera.
À l’échelle canadienne, le chiropraticien montréalais constate que les compagnies ne sont pas suffisamment solidaires, ne serait-ce que pour commercer entre elles. « Les chefs des petites et moyennes entreprises préfèrent négocier avec les États-Unis plutôt que d’échanger avec les provinces voisines. Les démarches administratives sont plus simples. » Selon lui, ils auraient pourtant tout à gagner. Encore plus ceux à la tête d’entreprises francophones.
En qualité de président du conseil d’administration du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec, il est venu en Colombie-Britannique, en 2012, dans le but de développer les relations commerciales Est-ouest. « On peut voir quelques balbutiements. Beaucoup de choses restent à faire. »