Un papy acariâtre, dit « Le Vieux », pour qui la vie s’est arrêtée à la période bénie des années 1950 et qui pense que le monde court à sa perte ; son fils Jean, bobo parisien quadragénaire insouciant et complètement dépassé par la société de consommation dont il est l’un des rouages, qui lui annonce qu’il va devenir papa; et entre ces deux générations qui semblent ne plus se comprendre, le petit Malo, dont la naissance va remettre en cause les modes de vie et les valeurs des deux hommes. François d’Epenoux propose, avec Le réveil du coeur, un roman grinçant, drôle, émouvant qui prête à la réflexion, sur le choc des époques, les relations intrafamiliales et la place de l’homme et du père. Une belle réussite.
Le réveil du coeur est le genre de lecture à vous mettre le sourire aux lèvres et à embellir votre journée. Ce petit roman qui se lit d’une traite capture avec beaucoup de justesse les méandres des sentiments intergénérationnels dans une histoire somme toute assez banale, mais racontée avec beaucoup d’humour et de tendresse, qui met en scène des personnages aux caractères bien dessinés dans lesquels beaucoup de lecteurs pourront se reconnaître. Le Vieux, en particulier, type même du grand-père bourru et solitaire, aigri par le temps, et qui ne jure que par la belle époque « de son temps », est absolument délicieux, enfermé dans son refus de la modernité et sa nostalgie de la « belle époque ». Ses exposés et joutes verbales enflammés sur la société de consommation, la déchéance du monde et l’irresponsabilité des couples voulant faire des enfants dans ces conditions, sont de véritables pépites, empreintes d’un humour caustique qui amène le lecteur à s’interroger sur notre mode de vie, pointant ses paradoxes et ses excès. L’épisode de l’heure de pointe dans le métro parisien, ou encore celui des courses à Ikea en vue de l’arrivée du bébé, par exemple, sont mémorables: hilarants et criants de vraisemblance pour quiconque a déjà connu ce type d’expéditions. De même les angoisses de la mère qui couve son enfant à l’extrême et de façon parfois irraisonnée, de même que les relations éphémères sont passées au crible de façon très réaliste par ce ton grinçant, ainsi que par des mots soigneusement choisis. Sur ce point, François d’Epenoux, connu pour son habileté à jouer avec les mots, s’est surpassé : quand le grand-père acariâtre demande à son petit-fils de l’appeler « Grand-Paria », on adore et on ne peut que saluer le trait d’esprit !
La deuxième partie du roman, en revanche, dans laquelle le Vieux se retrouve à devoir garder son petit-fils Malo pendant les vacances, suite au divorce de ses parents, est tout autre : l’humour caustique cède la place à une écriture pleine de tendresse au fur et à mesure que le Vieux grincheux s’adoucit au contact de l’enfant. Les générations qui paraissaient si loin l’une de l’autre dans la première partie du roman s’apprivoisent, se rapprochent, jusqu’à se reconnaître l’une dans l’autre. Le Grand-Paria rebelle à la modernité et vivant en ermite comme il y a cinquante ans, répétant que ce n’est pas un gamin de six ans qui va le faire changer, finit par se prendre au jeu et découvre au fil des jours ce que son petit-fils peut lui apporter, jusqu’à s’ouvrir aux nouvelles technologies! En retour, il lui enseigne ce que beaucoup d’enfants, à l’ère des écrans, ne voient plus : la nature, les saisons, les animaux… Une belle rencontre, véritable bouffée d’air frais, tout en simplicité, qui touche au coeur et invite aux échanges intergénérationnels et à la réflexion sui- vante : l’époque présente n’est-elle pas plus enviable, puisque c’est celle que nous vivons ?