En ce mois de rentrée scolaire, les crayons font grise mine : ils en ont marre d’être toujours utilisés de la même manière ! Alors que certains se plaignent d’être trop sollicités, d’autres se sentent délaissés, voire affichent de nouvelles ambitions… bref, la révolte gronde ! Drew Daywal et Oliver Jeffers nous régalent d’un album plein d’esprit et d’humour qui fleure bon l’imagination et invite à sortir des sentiers battus pour donner libre cours à sa créativité. Un véritable coup de cœur qui ravira les petits et les grands qui ont gardé une âme d’enfant.
Et si vos crayons étaient doués de parole, que diraient-ils ? C’est ce que découvre le jeune
Duncan en ouvrant sa trousse pour y trouver, en lieu et place de ses crayons de couleurs, une pile de lettres écrites par ceux-ci. Lettres d’épuisement, plus rarement de félicitations, lettres de jalousie ou de protestation, c’est une véritable rébellion ! Qui aurait pu imaginer que des crayons auraient autant de revendications ? Et pourtant, le crayon rouge trouve qu’on l’utilise trop et réclame du repos; le noir en a marre de ne servir qu’aux contours; le rose ne veut plus être « la couleur des filles »; le gris aspire à colorier autre chose que des rhinocéros, des hippopotames, des éléphants et des baleines, et le violet aimerait que Duncan essaie de ne pas dépasser quand il colorie. Sans oublier le jaune et l’orange, qui se disputent la couleur du soleil, et le blanc, complètement ignoré, qui aimerait bien pouvoir colorier des arcs en ciel. Duncan est bien embêté, mais finira pas trouver une solution – haute en couleur – pour satisfaire tout le monde !
Rébellion chez les crayons est un album savoureux et bien pensé, qui met en vedette l’outil phare des écoliers de façon tout à fait originale, en le personnifiant. De quoi impressionner les jeunes lecteurs, qui s’imagineront peut-être que leurs crayons s’animent la nuit, tout comme les jouets de Toy Story ! Leurs lettres de doléances ne manquent pas d’humour, et leurs revendications sonnent juste : on s’imagine très bien la détresse de certains crayons et on compatit avec eux. Gribouillages et barbouillages frénétiques et désordonnés, pâtés de couleurs pas toujours harmonieuses, dessins monochromes : ce sont les habitudes artistiques des petites mains qui sont dépeintes, ce qui ne manquera pas de faire sourire, voire retomber en enfance, les lecteurs adultes. C’est irrésistible.
Le trait fin et enfantin de l’incontournable Oliver Jeffers, ainsi que l’utilisation judicieuse des couleurs, sont visuellement attrayants et viennent illustrer parfaitement les épanchements des crayons, rendant à merveille le côté « griffonnage d’enfant ». La quasi absence d’arrière-plans invite l’œil à s’attarder sur les personnages, dont les visages se résument à deux petits yeux et une bouche parfois à peine esquissée. Une fausse naïveté qui met en valeur leurs expressions et les rend d’autant plus attachants.
Un bien bel album, en somme, qui mérite de figurer au rang des incontournables, car, derrière le récit plein d’humour, se cachent une réflexion sur les stéréotypes attachés à chaque couleur et l’importance de l’écoute et de la liberté d’expression ainsi qu’une invitation à agrandir sa vision du monde et à libérer son imaginaire. De quoi susciter l’envie d’écrire et de créer !