L’année 1997 : Le perroquet des Batignolles, feuilleton radiophonique imaginé par Michel Boujut et Jacques Tardi, envahit les ondes de France Inter dans un tourbillon d’imbroglios, mystères et rebondissements qui lui assurent un succès immédiat. Un polar urbain riche et palpitant que l’on retrouve avec délice dans cette adaptation en bande dessinée « à l’ancienne », signée par un Stanislas au sommet de son art.
Prévue en cinq albums, dont le deuxième vient de sortir en août dernier, la série Le Perroquet des Batignolles déroule les aventures d’Oscar Moulinet, un preneur de son à Radio-France qui enquête sur de mystérieuses petites boîtes à musique en forme de canard envoyées par l’énigmatique Monsieur Schultz, un grand faussaire, à ses amis avant de mourir. Celles-ci sont à l’origine de plusieurs meurtres et de l’agression d’Edith, la femme d’Oscar, présentatrice de la météo à Radio-France. Le secret de ses boîtes? Un morceau de bande magnétique caché à l’intérieur de chacune et contenant un fragment du testament de Schultz, qui attise bien des convoitises. La course aux boîtes à musique pour reconstituer le message de la bande est lancée, entre énigmes, coup de théâtres et autres rebondissements qui nous promènent dans les rues d’un Paris contemporain. Une aventure rocambolesque et pleine d’humour qui rappelle les Bandes Dessinées à l’ancienne, tant dans le style ligne-clair et les nombreux clins d’oeil à l’univers de Tintin que dans les dialogues pleins d’esprit, l’intrigue bien construite qui démarre sur les chapeaux de roue et tient en haleine jusqu’au bout et les personnages hauts en couleurs. Il s’en dégage une bonne humeur communicative, avec un brin de fantaisie, qui fait du bien. Les auteurs ont également parsemé leur récit de multiples références à la maison de la radio – on croise le mythique José Arthur ! – ainsi qu’à l’art et au cinéma, avec des reproductions de tableaux et sculptures – Le radeau de la Méduse par exemple, – et des citations issues de films classiques. Une bouffée de nostalgie bien agréable, qui ne tombe jamais dans le caricatural.
Le plaisir est d’autant plus grand que Stanislas a dû composer avec une contrainte de taille: une quantité impressionnante de texte dans le matériel d’origine. N’oublions pas qu’il s’agissait d’une bande sonore diffusée à la radio, que l’auteur a dû saisir pour la « représenter » sous forme graphique en BD. Rien d’étonnant donc, à ce que l’album soit du genre bavard, avec plusieurs planches littéralement grignotées par le texte, ce qui rend la lecture parfois fastidieuse et pourrait rebuter certains lecteurs. Mais le jeu en vaut la chandelle car, passé l’effort des premières pages, on se retrouve happé du début à la fin dans l’intrigue et on referme l’album avec le regret de ne pas avoir la suite entre les mains. Il faut alors bien reconnaître que Stanislas a relevé le défi d’une main de maître en jouant habilement avec les décors et les dialogues pour les agencer de la manière la plus harmonieuse possible. Il en résulte un jeu de composition original et très bien maîtrisé, où s’entremêlent texte et image, dialogue passé et dialogue présent, récit cadre et récit enchâssé, allant parfois jusqu’à bousculer la continuité des cases, si bien que c’est au lecteur de les redisposer comme dans un puzzle.
Une lecture passionnante et foisonnante en somme, et un bien bel hommage au feuilleton d’origine, qui se savourera tranquillement. Vivement la suite !