Un monologue à propos de sa mère morte. Morbide ? Pas du tout. Le spectacle solo How To Disappear Completely, raconté en mode film, son et lumière, est à l’affiche du Théâtre Gateway du 13 au 22 novembre.
Itai Erdal n’imaginait pas qu’il montrerait un jour une pièce de théâtre sur la fin de la vie de sa mère. Il n’est même pas acteur. Pourtant, à l’heure où l’on se parle, il a donné plus de 80 représentations de son spectacle How to Disappear Completely et il revit chaque soir les neuf derniers mois de l’existence de sa mère : « Chaque fois que je le fais, j’en deviens surexcité. »
L’éclairage et l’émotion
Techniquement, ce one-man show est unique, ciblé sur l’éclairage. Erdal est en effet designer d’éclairage et compte plus de 170 spectacles à son actif. L’éclairage peut nous sensibiliser, dit-il. Et Erdal est bien équipé pour nous saisir. À son crédit, des spectacles fantasques tels que Alice au pays des merveilles, des plus élégants et subtils tels qu’une production de danse contemporaine au Yukon, ou encore le suspense Elektra, présenté au Stratford Shakespeare Festival. Comme Erdal le dit en souriant : « Je n’ai pas d’envie d’être la personne qui explique la mort aux enfants qui regardent le spectacle, mais ils aiment toujours l’éclairage. »
Tout y est songé pour atteindre un équilibre. Le pouvoir de l’art pour intensifier nos émotions est reconnu. En 1951, lorsque la pièce classique Un tramway nommé Désir est présentée, la sensualité de la musique horrifie la Légion américaine de la morale, et le compositeur est contraint d’en changer. Quand l’art se penche sur le sujet de la mort de sa mère, où poser les limites entre l’évocation des émotions et la manipulation ? Peut-être que la réponse se trouve dans le succès du spectacle – Vancouver n’est qu’une parmi de nombreuses villes qui l’ont programmé.
Mais la pièce ne plaît pas à tout le monde et s’est attirés quelques critiques négatives. En août, « A Younger Theatre », à Édimbourg, en Écosse, la qualifie d’« arrogante ». Pourquoi veut-on, demande le critique, choisir non seulement de parler de la mort de sa mère, mais aussi de l’affronter, de regarder sa progression, et de réexaminer sans cesse chaque nuit la décision de seconder son suicide ?
Plus important, pourquoi voudrait-on que le public vienne assister à cette fin si intime exposée sous des lumières crues ?
Erdal hausse les épaules quand la question lui est posée. « Les Écossais sont attachés à la vie privée. J’ai trouvé ça curieux : l’accueil a été bien différent de celui à Londres, où les gens ont ri facilement. »
Et les Vancouvérois ? Sont-ils également réticents ? Jovanni Sly, directeur artistique du Théâtre Gateway, ne doute pas que le public sera réceptif. « Itai prend bien soin de nous, le public », dit-il. « On ne se sent jamais accablé. C’est un bel hommage à une personne que je n’ai jamais rencontrée. Il évoque son esprit. »
Une vie privée. Des thèmes universels.
On ne connaît pas cette femme au cœur de la pièce, mais Erdal souligne que les thèmes abordés sont universels. « On a tous un frère ou une sœur qui s’engueulent », note-t-il, en parlant de sa sœur qui ne voulait pas qu’il filme la famille pendant neuf mois. Le public semble d’être d’accord. Le spectacle est passé par Montréal, Toronto, Londres, Edimbourg et Berlin, et il sera présenté à Athènes, ainsi qu’à Victoria. Erdal a même reçu une invitation pour le montrer au Zimbabwe. « Après chaque représentation, affirme-t-il, 30 à 40 personnes viennent me parler de ceux dans leurs vies qui sont décédés, de la découverte et de la perte de l’amour. Ils m’envoient des lettres en racontant l’histoire de leurs vies. » Erdal les touchent en profondeur avec son conte.
« Itai est conteur consommé », affirme Jovanni Sy. « C’est l’une des personnes les plus ouvertes que j’ai jamais rencontrées. Et il est généreux de partager cela avec nous. On se sent reconnaissant. »