Et voilà, nous sommes au Canada », dit le chauffeur de taxi qui m’amène aux champs de bataille de Vimy. Il est vrai que nous venons de pénétrer dans un grand parc clôturé où les panneaux de signalisation sont bien ceux du Gouvernement fédéral canadien. Le taxi me dépose près du bâtiment d’accueil des visiteurs, à côté duquel une plaque de bronze confirme le statut parti-
culier de cette centaine d’hectares de terre de France devenue un important site historique canadien. Sur cette plaque est écrit : « Ce terrain a été concédé gratuitement et à perpétuité par la nation française au peuple canadien. »
C’est en effet là que du 9 au 12 avril 1917, les soldats canadiens ont pris la crête aux Allemands au prix de 3 598 morts. Dans cette guerre de tranchées où l’on mourait par dizaines de milliers pour gagner ou perdre quelques dizaines ou centaines de mètres, la bataille de Vimy n’a peut-être pas été décisive sur le plan militaire. Elle a toutefois marqué un important tournant dans l’histoire du Canada. Pour la première fois, les soldats canadiens étaient vus comme tels et non plus comme un régiment britannique parmi tant d’autres. C’est le début d’un pays qui s’affirme comme tel et non plus seulement comme une lointaine province de l’Empire britannique.
Pour le visiteur, le site est impressionnant. Des tranchées ont été préservées dans une partie de cet immense terrain rempli de trous d’obus. La visite des tunnels est organisée plusieurs fois par jour par les guides, qui, comme tous les employés du parc mémorial, viennent du Canada. Le lieu est dominé par le magnifique monument de marbre blanc qui, du sommet de la crête, est visible à des kilomètres à la ronde. Le monument figure maintenant sur les nouveaux billets de 20$.
Un employé du site (originaire d’Ottawa) m’explique que la plupart des visiteurs viennent de Grande-Bretagne et de France (proximité géographique oblige) mais que les Canadiens sont de plus en plus nombreux. Les employés du site préparent déjà les grandes cérémonies du centenaire. L’un d’eux ajoute que l’on ne sait pas encore si la reine sera là. Il est certain que d’ici là, le centenaire de la Première Guerre mondiale ne fera qu’accroître le nombre des visiteurs à Vimy et sur les autres champs de bataille de la région.
Bon nombre de visiteurs canadiens partent de Paris Gare du Nord et se rendent à Arras (160 km) en 50 minutes grâce au train rapide et repartent le jour même à Paris après avoir visité le champ de bataille. C’est un peu dommage car la ville d’Arras vaut bien que l’on s’y attarde. Cette ville de quelque cent mille habitants possède deux magnifiques places où les bâtiments aux façades typiques de l’architecture flamande ont mérité leur classement au patrimoine mondial de l’Unesco. Quand on ajoute à cela le beffroi, la citadelle, un ou deux musées notables, de bons restaurants, des prix nettement inférieurs à ceux de la capitale et des gens accueillants qui ne sont pas blasés par un surplus de touristes, je ne vois pas pourquoi on ne s’attarderait pas un peu dans cette ville.
Permettez moi de terminer avec quelques conseils pratiques. Vimy est à une dizaine de kilomètres de la gare d’Arras et n’est pas desservi par les transports publics. À moins de louer une voiture, il vous faut donc prendre un taxi. En sortant de la gare, vous verrez le restaurant le Passe-Temps. Non seulement on y mange très bien dans un décor agréable et à des prix raisonnables, mais le patron se fera un plaisir d’appeler un taxi dont le chauffeur, Jean Marc, est un passionné d’histoire qui adore amener les visiteurs aux champs de bataille. Pour 50€, il ne se contente pas de vous attendre 10 minutes au monument avant de vous ramener en ville (comme certains chauffeurs de taxi font trop souvent). Il attend patiemment que vous terminiez votre visite et n’hésite pas à faire quelques détours pour vous montrer quelques sites supplémentaires liés à la Première guerre mondiale. Dans mon cas, il a fait un crochet pour me montrer le cimetière militaire allemand où sont enterrés 44 000 soldats.