Puisque tout le monde en a parlé et continue d’en parler, je ne vois pas pourquoi je devrais m’abstenir. Il ne se passe pas une journée sans que les journaux, la radio, les médias sociaux ou la télé ne mentionnent l’affaire Ghomeshi. « Alors ! vas-y, cause toujours mon castor. Ne te gênes pas. »
Je n’ai encore rencontré personne qui n’ait des commentaires à faire sur cette affaire dont, au début, je n’avais que faire. Commencée il y a environ un mois, cette histoire ne finit pas d’en finir. Rappelons brièvement les faits tels que je les comprends. Jian Ghomeshi, pour ceux qui l’ignorent, était encore il n’y a pas si longtemps la super vedette, la tête d’affiche, l’un des fleurons de la CBC, radio et télévision publique canadienne de langue anglaise. Animateur et intervieweur radio de première classe, co-créateur de l’excellente émission quotidienne Q, il possédait un fan club qui faisait l’envie des grandes stars du show business. À la fin du mois d’octobre dernier, la CBC annonçait la rupture de contrat avec son employé. De fait, Jian Gomeshi était purement et simplement limogé. Il y avait de l’eau dans le gaz. Ça ne gazait plus entre eux.
L’animateur n’a pas apprécié. Il décide alors de prendre le taureau par les cornes. La corrida avec la maison, mère de toutes les guerres médiatiques, était engagée.
Jian, grand utilisateur des médias sociaux, faisait part sur facebook de son interprétation des faits qui lui étaient reprochés. Dans sa lettre, il reconnaissait avoir des pratiques sexuelles particulières. Il admettait être un adepte de BDSM. Sur le coup, j’ai cru que l’acronyme signifiait : Baiser Debout Sans Matelas. Puis, après une recherche plus approfondie, j’ai appris qu’il s’agissait d’autre chose. J’en suis resté pantois, bouche bée. Moi qui suis plutôt CTSM (Caresse, Tendresse, Souplesse et Maladresse) cela m’a pris pas mal de temps avant de me remettre de mes émotions. J’ai depuis récupéré. Toujours est-il que, selon certaines de ses anciennes partenaires sexuelles, monsieur Ghomeshi aurait été carrément violent au cours de ses pratiques sexuelles qu’il qualifiait, lui, Jian le dur à cuir, de consensuelles. Ce que certaines de ses anciennes petites amies ou rencontres n’ont pas hésité à contester. Et ce serait à la suite de ces divulgations que la CBC aurait décidé, preuve à l’appui, de se départir de cet employé considéré dorénavant gênant.
Il n’en fallait pas plus pour que toute cette affaire dégénère. Les médias se sont jetés dessus comme la misère sur le pauvre monde. Le public raffole de scandale. Avec cette affaire, il était servi, et même bien servi. Lorsque l’affaire éclata, un grand nombre d’admirateurs, et surtout d’admiratrices, n’hésitèrent pas à signer des pétitions en faveur de l’ancien a(ni)mateur de Q. Même Élizabeth May, chef du Parti Vert, lui apporta sans équivoque son soutien. Depuis, la poussière est retombée. Nous y voyons plus clair. Des victimes de violences commises par Jian Ghomeshi, l’ont dénoncé. Trois d’entre elles ont décidé de porter plainte. L’étau s’est resserré. Jian Ghomeshi est passé de victime à pestiféré. Petit à petit, le jeu de manipulation, décelé dans sa longue lettre initiale, s’est retourné contre lui. Le sujet n’est plus dès lors Jian, victime d’une injustice, mais plutôt Jian, l’auteur d’horreurs, d’actes de violence envers les femmes. La colère et la stupéfaction ont changé de camp. Au fur et à mesure, ses amis, ses fans, ses collègues de travail l’ont abandonné. Et pour cause : la violence faite aux femmes, quelles que soient les circonstances, s’avère inacceptable, inadmissible, inexcusable, intolérable.
Depuis, nous assistons à la mort lente du taureau dans l’arène publique. Descendu du piédestal d’où il pavoisait, sentiment d’invulnérabilité en poupe, le héro déchu s’abrite dorénavant derrière un mutisme qui en dit long. Loin de moi l’idée de l’abattre alors qu’il est à terre. Je n’entends personne crier victoire. Un vent de tristesse s’est installé sur cette affaire dont on ne connaît pas encore le dénouement. Quel sort est réservé à celui qui avait redressé, un tant soit peu, le blason de la CBC ?
Sa réputation est faite. Pourra-t-il rebondir ? J’en doute. Mais je ne m’inquiète pas trop pour lui. Ce monsieur a des ressources. Je suis sûr qu’un cinéaste trouvera le moyen d’écrire un scénario et de faire un film basé sur son histoire. Il touchera des droits d’auteur. Tous les ingrédients sont là : une star montante, du sexe, de la violence, de la déchéance, du mensonge, de la perversion, de la vengeance, de la déception, de la trahison. Une tempête parfaite dans un vent de marée médiatique. C’est plus qu’il n’en faut pour concocter un très mauvais film produit par la CBC.
Toute cette affaire, évidemment, me dérange. L’envie de lui chanter « Jiany, tu n’es pas un ange » me démange. À la place, je m’assois devant mon poste de télé où l’on joue, en attendant le prochain épisode, « Plus dure sera la chute. »