Deux frères qui s’étaient perdus de vue se retrouvent dix ans plus tard, suite à la mort de leur père, et prennent la route de l’Italie pour y ramener ses cendres. Un long voyage de retour aux sources qui sera l’occasion pour eux de régler leurs comptes et de revenir sur les absences, les rancœurs, les frustrations et les mensonges qui ont déchiré leur famille. Alfred revisite le thème classique du road-movie dans un album intimiste aux accents du sud et au graphisme splendide, riche en surprises et en rencontres étonnantes.
France, 1958 : Fabio est au bout du rouleau : il vient de perdre son énième combat de boxe, il collectionne les dettes, les embrouilles et les amours sans lendemain et est sans cesse en train de fuir. Mais quand il rentre à son hôtel ce soir-là, il trouve son frère Giovanni, qu’il n’a pas vu depuis dix ans, en train de l’attendre pour lui annoncer la mort de leur père et lui demander de faire le voyage avec lui jusqu’en Italie pour y ramener ses cendres. Entre sa situation qui empire et la perspective de toucher l’héritage familial, le choix est vite fait et malgré son refus initial, il accepte à contrecœur de suivre son frère, sans savoir vraiment ce qui l’attend à destination. Les deux frères partent donc à bord de la petite Fiat 500 de leur père pour un long voyage à travers le sud de la France, entre engueulades, rencontres marquantes et conversations libératrices qui feront resurgir un passé douloureux. Sans compter les révélations de Giovanni, qui donneront un tour tout nouveau au périple et à la relation entre les deux frères.
Come Prima déroule le thème très classique du voyage entre frères avec la typique mort du père, les cendres à ramener au pays, les souvenirs en commun, la copine dont ils sont tous les deux amoureux, et bien sûr les brouilles, le hasard des rencontres, les confessions et les regrets. Mais il le fait avec un sens du graphisme et un jeu de composition tels, que le récit ne tombe jamais dans le stéréotype flagrant et, au contraire, se trouve bonifié par la subtilité de la forme. Alternant entre deux époques – le présent d’un côté, les souvenirs de jeunesse de l’autre – représentées chacune par une ambiance graphique distincte – trait lumineux et épuré pour l’une et style croquis, au trait plus épais et un peu sérigraphie pour l’autre –, Alfred fait entrer le lecteur dans l’univers de ses personnages à petits pas. Il prend le temps de développer leur psychologie au fur et à mesure des paysages qui défilent, surtout celle de Fabio, le boxeur imprévisible et presque détestable, dont l’album suit les humeurs et remises en question. Résultat, on s’attache à eux. Et c’est petit à petit qu’on saisit des bribes de leur passé, à travers des images muettes abstraites qui véhiculent des sensations plus que des informations précises, mais qui reviennent à plusieurs reprises tout au long du récit, avec à chaque fois des détails supplémentaires qui permettent au lecteur de reconstruire, en même temps que les deux frères, le fil des souvenirs. Un voyage introspectif en somme, qui vient se superposer, de façon métaphorique, au voyage en Italie en tant que tel, et qui est l’occasion, pour Alfred, d’évoquer en filigrane ses origines italiennes à travers quelques références au contexte politique et social de l’Italie mussolinienne de l’époque – le Duce, les chemises noires, les mouvements populaires et de résistance – qui a profondément marqué son histoire familiale.
En bref, un récit dense, intimiste et subtil, au goût de nostalgie et de recherche du bonheur simple.