2015 commence mal. L’attentat terroriste perpétré contre le journal satirique Charlie Hebdo nous a rappelé, en ce début d’année, combien les vœux du nouvel an peuvent être puérils face à la barbarie du fondamentalisme. La rédaction du journal a été décimée, froidement assassinée. Avec elle, c’est le droit au rire, à l’humour et à la liberté d’expression, c’est la démocratie donc, que cette bande de connards a voulu supprimer.
« Il ne faut pas que le silence gagne » a rappelé un ancien directeur de la rédaction du journal, à la suite de l’attentat. Il a eu raison. J’avais déjà fini d’écrire mon article (qui, en partie, suit ce prologue) lorsque j’ai appris la nouvelle. Dégoûté par l’acte ignoble des terroristes, j’ai failli baisser les bras et tout abandonner. J’avais l’intention de prévenir la rédaction que j’étais dans l’impossibilité de livrer la marchandise. Face à la disparition de ces monuments du journalisme et de la caricature politique, je ne voyais pas ce qu’un chroniqueur de mon acabit aurait bien pu dire ou faire. La fureur et la colère passées, je me suis ressaisi car, en effet, le silence n’est pas de mise. Je me permets donc encore de rêver en couleurs, sans pour autant oublier les victimes de cet horrible attentat. Voici la version abrégée du texte que j’avais préparé.
Avec des Si, on pourrait mettre Vancouver en bouteille. Et si l’on voulait pousser un peu plus loin l’hypothèse, avec des Si on pourrait s’imaginer que nous sommes gouvernés par des personnes éclairées. Ce serait, me direz-vous, atteindre les limites de l’absurdité. Mais en ce début d’année 2015, je sens que tout m’est permis, quitte à être insensé. Ayant reçu, comme cadeau de Noël, des Si à profusion, je me suis engagé à les distribuer généreusement dès que l’occasion s’en présenterait. Et l’occasion, la voilà. Sachant que cela ne coûte rien, voici donc, sans souci d’économie, une série de Si qui devrait faire l’affaire de tous, tout en vous rappelant qu’un Si vaut mieux que deux sous tu l’auras.
Pour commencer, avec des Si on pourrait faire de 2015 l’année la plus mémorable, la plus fantastique de l’histoire de l’humanité. Une année marquée par la stabilité, qui éviterait ainsi une année en dents de scie.
Imaginons, le temps de cette rubrique, un monde meilleur. Un monde où le monde aurait retrouvé la raison.
Ainsi avec des Si, on pourrait imaginer une année sans catastrophe écologique. Une conférence mondiale sur le climat, prévue plus tard cette année à Paris, qui aboutirait à un accord de grande envergure, garantissant un avenir prometteur aux futures générations et nous donnant une lueur d’espoir immédiate. Si tout allait bien, en 2015 on ne verrait aucun déversement de pétrole dans les mers et océans. Aucune marée noire. Aucune fuite de pipeline. Aucune nouvelle exploitation de sables bitumineux, en Alberta ou ailleurs. Aucun désastre ferroviaire susceptible d’annihiler des villages entiers. Une année où le pétrole n’aurait pas son mot à dire. Où la voiture à essence serait maudite. Où, par la force des choses, je ne pourrais pas faire l’hypocrite en me rendant en voiture à une manifestation pro-environnementale.
Si mes convictions se concrétisaient, nous verrions, au cours de l’année, toutes les armes s’enrayer et se taire une bonne fois pour toutes. Une année sans massacre atroce et inutile. J’aimerais entendre les dirigeants politiques et religieux, quelle que soit leur appartenance ou leur croyance, dénoncer avec vigueur, les pensées extrémistes.
Si j’avais les ailes d’un ange, je m’envolerais pour Rome, afin de dire au Pape François de continuer sur sa lancée. Je ne voudrais pas être dans ses souliers. Les réformes qu’il entreprend ont d’autant plus de mérite qu’on connaît les forces obscures auxquelles il est confronté. Que 2015 lui apporte beaucoup de courage et que les dieux de l’Olympe ou du mont Seymour, soient avec lui.
Si les élections fédérales, prévues en principe pour l’automne prochain, devaient changer quelque chose, j’aimerais qu’elles remplacent le gouvernement actuel et qu’elles donnent à la démocratie canadienne plus de chances de s’en sortir. Le Canada a besoin de sang nouveau et surtout de renouveau. L’idéologie Harpérienne sent le moisi et pollue. Si 2015 est à la hauteur, il se pourrait qu’impossible ne soit pas canadien. Attendons le résultat des élections pour le savoir.
Et, finalement, souhaitons, malgré ce début raté, qu’en 2015, avec des Si, l’impossible, si possible, devienne possible. Souhaitons surtout que l’esprit de liberté, tant chéri par Charlie Hebdo, survive.