Touche-à-tout, danseur, acteur et chorégraphe congolais, Faustin Linyekula travaille à Kisangani où il a fondé les Studios Kabako : « un lieu de formation, de recherche, de création et d’échanges ouvert à tous ceux qui s’intéressent à la danse et au théâtre visuel, à la musique et à l’image ». Il sera à Vancouver du 29 au 31 janvier pour présenter son spectacle solo Cargo.
Faustin Linyekula se présente comme un raconteur d’histoires ayant besoin de s’entourer pour imaginer, rêver, créer des projets partagés. Mais lorsqu’on lui demande de raconter son parcours, il est l’espace d’un instant pris de court face à la multitude de ses expériences. Puis la parole reprend le dessus et les histoires s’enchaînent.
C’est d’abord la magie des mots – l’écriture, la poésie, la prose – qui frappe Faustin Linyekula, né en 1974 à Ubundu, dans le nord-est de la République Démocratique du Congo (ex Zaïre, ex Congo Belge, ex état indépendant du Congo…). Le théâtre ne vient que plus tard. Il le découvre à l’âge de 14 ans dans des ateliers proposés par le centre culturel français de Kisangani. Cette forme d’art se révèle soudain être plus qu’un texte et des personnages : « une affaire de corps, de corps en face d’autres corps ». Et c’est cette « primauté du corps » qui le conduira vers la danse. Faustin deviendra danseur au détour de rencontres, à un moment où les mots ne lui suffisent plus pour raconter ses histoires.
« En grandissant à Kisangani dans les années 80, personne ne rêvait de faire carrière dans le théâtre car tout simplement il n’y avait pas d’exemples autour de nous. C’était très clair que pour moi ce n’était qu’une activité parascolaire. J’irais à l’université et je ferais des études qui pourraient me conduire à une carrière dont ma mère serait fière », explique Faustin. Mais voilà, l’histoire et Faustin en ont finalement décidé autrement… À la fin de ses études au secondaire, la crise – qui conduira son pays à la guerre en 1997 – émerge et le régime ferme les universités. Sous la dictature de Mobutu, Faustin rêve de théâtre. Privé d’enseignement supérieur, il monte avec ses amis du centre culturel une troupe de théâtre, en 1991. Deux ans plus tard, l’appel du large se fait sentir et ils prennent la route vers le Kenya pour réaliser un rêve commun : devenir artistes.
À Nairobi, la danse s’impose à lui comme un moyen d’élargir sa palette et ses réflexions : « la danse est un outil d’exploration et de questionnement. Qui suis-je, où suis-je, où vais-je ? Et lorsque l’on commence à se poser ces questions-là, on est rapidement confronté à l’histoire ». L’histoire, les histoires qui intéressent Faustin, ils les retrouvent dans l’expression corporelle. Le corps a une mémoire, nos gènes nous relient à nos ancêtres et le corps raconte des histoires que la voix dénature. En 1997, avec le mime Opiyo Okach, il crée Gaara, première compagnie de danse contemporaine d’Afrique de l’Est. La première pièce de la compagnie, Cleansing, fait référence au génocide rwandais et connait un succès international. Les prix s’enchaînent et avec ceux-ci le retour sur la route, mais cette fois en Europe et ailleurs.
En 2001, ce n’est pas la danse mais le retour au pays qui s’impose à Faustin. Le raconteur d’histoires comprend que ce ne sont pas des histoires d’exil qu’il désire raconter mais des histoires de sa terre natale. Faustin fait alors un choix de vie et met sur pied les Studios Kabako à Kinshasa, structure pour la danse et le théâtre visuel, la musique et l’image ouverte à tous. Faustin est « convaincu que l’art est nécessaire à chaque société et surtout une société comme la mienne qui se bat pour sortir des traumatismes. L’art comme un espace où l’on peut se réinventer, se ré-imaginer est plus que nécessaire. Mais puisque les gens ne s’en aperçoivent pas forcément, il faut passer par d’autres canaux pour en dévoiler l’importance. C’est ça la stratégie des Studios Kabako ». En 2006, les Studios s’installent à Kisangani, où l’équipe œuvre à l’élaboration d’un réseau de centres culturels de proximité.
En 2011, après 10 ans de spectacles et de projets de groupe, Faustin Linyekula ressent la nécessité de revenir vers lui-même pour faire le point et envisager l’avenir. Son spectacle solo Cargo trouve son essence dans des questions simples qui le ramènent vers son enfance et ses premiers souvenirs. Cargo est un corps qui danse, chante et raconte les histoires de l’Afrique de Faustin.
Faustin Linyekula sera à Vancouver du 29 au 31 janvier avec son spectacle Cargo, présenté au Scotiabank Theatre dans le cadre du PuSh Festival.
Pour en savoir plus sur le spectacle :
www.pushfestival.ca/shows/le-cargo/
Pour en savoir plus sur les projets des Studios Kabako :
www.kabako.org
Pour voir en voir plus de projets de Faustin Linyekula :
www.numeridanse.tv/fr/video/1688_gula