Durango, c’est la glacière du Mexique » me dit un résident de Mazatlan, qui m’avoue n’avoir jamais été dans cet État voisin situé de l’autre côté des hautes montagnes côtières. Cet hiver encore, il a neigé plusieurs fois dans les montagnes de Durango.
Dans la chaleur humide du Sinaloa, sur la côte du Pacifique, il est difficile d’imaginer que dans l’État voisin, des routes sont recouvertes de plusieurs centimètres de neige. Les montagnes qui séparent Durango de la côte du Pacifique ont longtemps été infranchissables. A l’époque coloniale espagnole, la ville de Durango (capitale de l’État du même nom) communiquait avec le monde extérieur via la côte est. S’aventurer dans les montagnes voulait dire non seulement affronter un terrain extrêmement difficile, y compris un canyon plus grand que celui du Colorado, mais aussi les Amérindiens qui ont longtemps résisté aux conquistadores.
Ce n’est qu’à la fin du 19ème siècle qu’une voie ferrée a été construite à travers ces montagnes du nord-ouest du Mexique. Plus au sud, entre Mazatlan et la ville de Durango, une route a été ouverte au 20ème siècle. Avec cette étroite route de montagne, on a pu relier Mazatlan à Durango en huit heures. Depuis octobre 2013, une nouvelle route permet d’effectuer le trajet deux fois moins de temps.
Les Mexicains sont fiers de cette nouvelle route qui a coûté plus de deux milliards de dollars. Le résultat est impressionnant, avec ses 63 tunnels et ses 32 ponts, y compris le pont Baluarte suspendu à 400 mètres au-dessus d’un étroit canyon. C’est le pont suspendu le plus haut du monde, volant le titre au viaduc de Millau, en France. En peu de temps, on passe du niveau de la mer à plus de 2 000 mètres d’altitude, avant d’arriver dans la ville de Durango, située à 1 880 mètres. En arrivant dans cette ville, en provenance de Mazatlan, on a un peu le sentiment d’avoir changé de pays.
Mazatlan, comme la plupart des villes mexicaines, c’est un mélange de la vieille Espagne avec l’Amérique du Nord, auquel on aurait ajouté une bonne dose de tiers-monde. Le résultat est un joyeux micmac bruyant et pas toujours d’une propreté helvétique. Mais en arrivant dans le centre-ville de Durango, on a un peu l’impression d’avoir été transporté en Europe. Il y a d’abord bon nombre de bâtiments datant des 17e et 18e siècles car cette ville, qui a maintenant six cent mille habitants, a été fondée par les Espagnols en 1563. Les transformations survenues au 19e siècle sont inspirées par l’urbanisme français. Le climat est plus apte à faire penser à l’Europe qu’aux tropiques car si, dans la journée, le thermomètre atteint une vingtaine de degrés en hiver, il redescend la nuit près du point de congélation. On vit donc plus à l’intérieur, les bars et les restaurants ne sont pas ouverts sur la rue, les gens, chaudement vêtus, ne traînassent pas le soir sur les places publiques pour profiter de la fraîcheur comme cela se fait dans les régions plus chaudes du pays. Mais l’aspect presque nordique de la ville vient aussi de l’ordre qui y règne. Sur les trottoirs des grandes artères et sur les rues piétonnières on trouve, à peu près tout les vingt cinq mètres, une poubelle surmontée d’un cendrier. Les trottoirs eux-mêmes ne sont pas, comme dans beaucoup de villes mexicaines, pleins de trous et de bosses. J’ai même vu (les habitués du Mexique vont trouver ça difficile à croire) des automobilistes qui mettent leur clignotant avant de tourner.
Les statistiques et les résultats du récent recensement confirment cette impression de ville nordique et prospère. La pauvreté touche 25% de la population de Durango, c’est à dire la moitié de la moyenne nationale. Les statistiques sur la composition ethnique de la ville sont surprenantes également. La plupart des Mexicains sont métis et moins de 20% de la population se définissent comme étant entièrement d’origine européenne, alors qu’à Durango, suite à une forte immigration européenne, la moitié des résidents se définissent comme étant originaire du vieux continent.
De retour à Mazatlan, je discute avec des étrangers qui viennent au Mexique régulièrement depuis des années mais n’ont jamais vu autre chose que des villes touristiques sur la côte. Quel dommage tant il est évident que le Mexique est beaucoup plus que des plages, des bars et des cocotiers.