Ovationnée et primée à sa sortie, la pièce Obaaberima arrive sur les planches de Vancouver. Elle met en avant-scène la quête d’identité d’un jeune immigrant ghanéen racontant son coming-out dans sa cellule de prison canadienne.
Tawiah M’Carthy a grandi à Accra au Ghana et vit aujourd’hui à Toronto. Formé au Conservatoire d’art dramatique de l’Université York, le jeune comédien et dramaturge allie théâtre traditionnel africain et théâtre occidental, nous livrant avec Obaaberima une pièce multidisciplinaire où se mêlent musique et dance, parole et chant, conte et poésie…
Obaaberima a été écrit et monté alors que l’artiste était en résidence au Buddies in Bad Times Theatre de Toronto, dont la programmation met les cultures queers en avant-scène. Saluée à sa sortie pendant la saison 2012-2013, la pièce a remporté trois récompenses Dora Mavor Moore pour la musique, les lumières et la mise en scène, Tawiah M’Carthy étant finaliste en tant que meilleur comédien et dramaturge.
Deux ans après ce beau succès, la pièce revient sur scène à Ottawa puis à Vancouver au théâtre The Cultch. Obaaberima est désormais plus étoffée et son auteur plus confiant. « Nous programmons souvent des pièces venues du Buddies in Bad Times Theatre » raconte Heather Redfern, la directrice de The Cultch, « et nous travaillons avec la scène africaine depuis maintenant deux ans, notamment sur les questions d’immigration et de sexualité, deux sujets exigeants ».
Sur scène, un jeune noir homosexuel
Seul face au public, Tawiah M’Carthy se fait le chantre de la parole immigrante et queer.
Sur la scène, une prison. Jeune homme originaire du Ghana condamné pour un grave crime, Agyeman s’ouvre auprès de ses codétenus à la veille de sa libération. Cette confession aux allures de plaidoyer n’est pas sans risque, mais la parole et les mots libèrent autant que les chaînes et les barreaux.
Aux prémices du récit, le mot Obaaberima résonne comme une insulte dans la bouche des enfants qui le lançaient au visage d’un jeune garçon efféminé : obaa, le féminin, et oberima, le masculin dans la langue twi. Le pendant féminin de Agyeman se nomme Sibongile, et son bagou est plus acéré. Trouver son individualité, jongler avec ces deux personnalités qui s’opposent et se soutiennent dans un même corps, voilà le défi pour le jeune garçon.
Agyeman part alors pour le Canada et, après avoir été méprisé pour ses manières, il expérimente un nouveau rejet dans la peau d’un immigrant noir dans une société blanche. Malgré le regard des autres et l’appréhension d’être différent, amis et mentors l’épaulent toutefois dans son trouble et sa recherche identitaire.
Réinterpréter sa propre histoire pour en faire un récit universel
Tour à tour, M’Carthy incarne ses personnages avec sincérité, leur prêtant à chacun une voix, une gestuelle, une posture ; différentes voix qui apostrophent ou guident le héros dans son voyage intérieur autant que transfrontalier. Se révéler à soi même est parfois plus difficile qu’à la face du monde…
« On me demande souvent s’il s’agit de ma vie, mais ce n’est pas le cas » précise M’Carthy. « Certaines de mes expériences s’y trouvent, mais j’ai mélangé des personnes que je connaissais au Ghana et au Canada, tout en ajoutant d’autres éléments. »
Obaaberima est presque un rite de passage pour son créateur, qui a utilisé son vécu et ses émotions comme un matériau malléable dans ses œuvres. « Une performance puissante et une présence scénique très intéressante » selon Heather Redfern qui est également touchée par le récit empreint de vérité qui nous est conté. Car si M’Carthy livre une histoire intimiste, cette dernière ouvre les portes de l’universalité du parcours migratoire et identitaire des hommes.
Aujourd’hui, M’Carthy a passé la moitié de sa vie au Ghana, et l’autre moitié ici au Canada. Il a dû apprivoiser ces « deux mondes différents » aux « cultures multiples » : sa terre natale parfois dure avec lui, et sa terre d’accueil qui lui a ouvert les portes du métier de dramaturge et de comédien. « Cette histoire d’immigration a une portée universelle, et beaucoup de personnes au Canada sont concernées par ce sujet » conclut Heather Redfern.
Du 24 mars au 4 avril
au théâtre The Cultch.
Écrit et joué par Tawiah M’Carthy. Mis en scène par Evalyn Parry. Musique par Kobena Aquaa-Harrison.