Une soirée pour changer la perception du théâtre en Colombie-Britannique… Depuis neuf ans, la compagnie de théâtre vancouvéroise Neworld organise Bite of Underground, un genre de cabaret au cours duquel musiciens, poètes, comédiens ou encore chanteurs présentent, le temps d’une soirée, leur propre court spectacle. Cette année, le rendez-vous est pris pour le 25 avril. Retour sur le succès d’une compagnie qui résiste.
Fondée en 1994 par Camyar Chai, Neworld s’est fait connaître pour son approche hybride mêlant les contes folkloriques à un style avant-gardiste. Avec le temps elle s’oriente vers des sujets plus politiques. Elle est aujourd’hui considérée comme la compagnie théâtrale indépendante la plus importante à Vancouver, une sorte de « maison de créativité » pour la communauté théâtrale. La compagnie produit deux à trois pièces par année qu’elle emmène en tournée en Colombie-Britannique, au Canada et parfois en Europe. Parmi les pièces ayant eu le plus de succès, il faut nommer Crime and Punishment, Ali & Ali, The aXes of Evil, Podplays, Leftovers et enfin My Name is Rachel Corrie.
À l’heure où le théâtre peine à attirer des spectateurs en salles, où le soutien financier des institutions et gouvernements se fait rare et où l’arrivée des nouvelles technologies a bouleversé les habitudes culturelles des gens, Neworld parvient à faire bonne figure. Marcus Youssef, le directeur artistique de la compagnie, travaille à faire disparaître les doutes qui planent sur cet art.
Vancouver-Est, un « mini Berlin »
Marcus Youssef s’est intéressé très tôt au théâtre. Jeune, il a vécu à New York et ensuite à Londres, où il a côtoyé un professeur de secondaire passionné de théâtre. « Il nous emmenait voir une représentation presque chaque semaine : après quatre ans, ça fait beaucoup de théâtre ! » Plus tard il s’inscrit à la prestigieuse École nationale de théâtre d’Ottawa dont il sera diplômé en 1992. Finalement, c’est l’amour tout court qui va l’attirer à Vancouver. Il rejoint Neworld en 1995 et devient dix ans plus tard le directeur critique de la compagnie. Ses pièces sont jouées un peu partout en Europe et au Canada depuis plusieurs années.
Marcus Youssef a à cœur de montrer que Vancouver a beaucoup à offrir en matière de théâtre. Il va même jusqu’à qualifier Vancouver-Est de « mini Berlin », ville réputée pour son dynamisme artistique et culturel. Malgré les frustrations causées par la marginalité du théâtre à Vancouver, Marcus Youssef voit cette situation comme une occasion de présenter du théâtre qui s’intéresse à des sujets plus controversés. Neworld n’est pas associée à un genre particulier, la compagnie fait du théâtre dit classique mais aussi et surtout des créations originales. Une chose certaine : l’humour est au centre des pièces de Marcus Youssef. Pour le directeur, « le rire a un effet non seulement physique mais il crée aussi une ouverture au niveau de l’esprit qui permet à des sujets plus difficiles d’être mieux acceptés par les spectateurs. »
« Faire écho aux préoccupations des jeunes »
À ses côtés depuis quelques années, Chelsea Haberlin. Elle produit et dirige des pièces de théâtre. Pour elle, une des raisons du succès des pièces de Neworld, « c’est qu’elles font écho aux préoccupations des jeunes et à leurs références culturelles, ça leur parle directement et ce sont eux qui viennent voir nos pièces. » Le choix des acteurs et actrices est également crucial pour maintenir une bonne popularité des pièces. Des auditions sont organisées régulièrement pour connaître les nouveaux venus. « Il y a une grande quantité de très bons acteurs à Vancouver qui sortent des différents programmes des collèges et universités. Malheureusement, étant donné la situation, il y a peu de possibilités pour eux ici », explique Marcus Youssef.
Le directeur et sa collaboratrice restent toutefois positifs. Leurs salles sont bien remplies, leurs pièces tournent au Canada et en Europe, et les jeunes acteurs de talent veulent travailler avec eux. Neworld a réussi à se faire connaître auprès d’une nouvelle génération de jeunes qui cherchent un divertissement engagé dans un contexte culturel qui les touche. Le modèle de gérance administrative et de collaboration artistique de Neworld attire l’attention de plusieurs groupes de théâtre un peu partout au Canada. Ces groupes cherchent une façon de mieux fonctionner dans cette nouvelle réalité où les compagnies de théâtre doivent se regrouper et faire preuve de créativité tant au niveau de leur organisation, de leur programmation et de leur relation à leur auditoire. Un véritable défi.
Bite of Underground
Le 25 avril au Neworld Theatre
422 William Street, Vancouver
http://www.neworldtheatre.com