Ça y est c’est reparti. Comme si ça nous manquait, l’affaire Duffy est de retour. Cette fois, le procès du sénateur de l’Île-du-Prince-Édouard, qui passait la plupart de son temps en Ontario, s’est ouvert au début du mois d’avril. Alors qu’il avait été reconnu coupable et lynché sur la place publique par les médias sans attendre la tenue de son véritable procès, le sénateur, avec l’aide d’un super avocat, compte bien démontrer son innocence au cours de cet exercice qui devrait durer 41 jours .
Les journalistes, les éditorialistes et autres commentateurs de l’actualité du monde de la politique ou du spectacle, ont repris vie. Les scandales au Canada ça ne court pas les rues. On ne peut se considérer un pays d’importance si nous n’avons pas, de temps à autre, quelques scandales qui soulèvent et attisent l’intérêt de toute une population. Les scandales font vibrer les nations. À tort ou à raison, ils excitent. Ils stimulent les sens. Ils représentent une forme de coït entre la gente politique, en manque de classe, et le peuple, en besoin de stimulation. Ils nous font titiller. Ils caressent nos instincts les plus bas. Ils nous chatouillent là où il ne faut pas. Un faux pas de plus et nous sommes ravis. Comme des spectateurs dans l’arène, nous voulons du sang. La soif pour les scandales ne tarit pas. Ils nous dégoûtent, nous offusquent, mais nous en réclamons davantage. On ne peut s’en passer. Ils brisent l’ennui et la monotonie. Ils sont l’eau de vie du peuple. Ils enivrent. Ils sont à la raison ce que la soupe est à l’oignon. Sans eux, la politique n’a pas de nom. Les scandales sont scandaleux mais on ne peut se passer d’eux. Ils nous rappellent qu’on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs.
Mais revenons à ce procès qui, nous dit-on, promet. À priori on prévoit quelques bombes médiatiques qui devraient quotidiennement nous tomber dessus. En Syrie ou en Irak, autre source de scandale, je suis sûr que les populations nous envient. Ils préféreraient ce genre de bombe plutôt que celles utilisées par l’armée de l’air canadienne sur eux. Mais ceci est une tout autre histoire sur laquelle, pour le moment, je ne veux m’attarder.
Stephen Harper, notre premier ministre, bien qu’il soit mêlé de près à cette affaire Duffy, ne devrait pas comparaître au cours du procès. Je suis toutefois certain qu’il ne va pas manquer un épisode de cette saga. Car saga il y a. Le procès Duffy est digne d’un feuilleton télévisé. Les médias ne s’y trompent pas. D’où l’abondance d’informations sur le sujet. Le procès est à l’ordre du jour. Il fait la une des journaux écrits et télévisés. Tous les ingrédients sont là pour obtenir la recette idéale d’un scandale de premier ordre. Récapitulons. Nous avons du drame, de la déception, du chantage, du mensonge, de la manipulation, de la trahison, de la vanité, de la violence verbale, de la calomnie, de la supercherie, des opérations frauduleuses, des personnages à l’éthique douteuse et j’en passe. Je ne m’attends pas toutefois, certains pourront le regretter, à des scènes de sexe. Mike Duffy, ce n’est pas DSK, Hollande,
Berlusconi, Poutine ou Arnold Schwarzenegger. Loin s’en faut.
Les journalistes, ou autres commentateurs, peuvent donc s’en donner à cœur joie. Chaque jour, grâce ou à cause d’eux, nous avons droit à notre petite bande annonce dont le but est de susciter notre intérêt envers un procès qui, selon moi, ne mérite pas autant d’attention. On crée le suspense. On étale la sauce pour faire durer le plaisir. Que vous le vouliez ou non, on commence par récapituler les faits afin que tout le monde soit bien au courant de l’histoire qu’on tient à vous raconter en détail. La situation et les enjeux de ce pugilat juridico-politique vous sont commentés en long et en large. Si vous avez manqué un épisode ou, si vous préférez, une journée de procès, ce n’est pas grave. Les reporters vont vous récapituler à longueur de journée et sans cesse, l’histoire de cette affaire depuis le début. Il n’y a aucune honte à se répéter et à rabâcher la même chose ad vitam aeternam. Chacun gagne sa vie comme il peut. J’en sais quelque chose. Il s’agit de presser le citron au maximum afin de tirer tout le jus de cette affaire qui risque de devenir une mauvaise affaire pour tous les protagonistes impliqués.
Au fond une seule question demeure face au résultat de ce procès : aura-t-il des répercussions sur les élections fédérales qui doivent se tenir en automne ? Tout le reste n’est là que pour nous distraire. En somme, pour faire oublier nos vrais soucis, rien de mieux que d’amuser la galerie avec un procès à dormir debout. Réveillez-moi quand ce sera fini.