Vancouver, terre d’asile et d’expression de la culture persane

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Photo par Perfect Shot Studio

Dans le paysage cosmopolite britanno-colombien, les influences asiatiques s’imposent comme une évidence, mais elles regorgent aussi de nombreuses facettes souvent méconnues. La culture persane – sous les projecteurs à l’occasion du Mois du patrimoine asiatique partout au Canada – est l’une d’entre elles. Plongée dans un univers en pleine expansion.

Dans le cadre du festival explorASIAN en cours jusqu’au 31 mai dans la région du Grand Vancouver, deux événements mettent particulièrement la culture persane à l’honneur.

Le 19 mai, dans la salle Alice McKay de la Vancouver Public Library, le Hafez Literature Club propose un récital de poésie en anglais et en farsi, Persian Poetry in Motion. Il réunira des poètes et des conteurs, bien évidemment, mais aussi des musiciens et des danseurs. Ces artistes veulent démontrer que la poésie persane ne se récite pas seulement, elle se vit.

Puis le 24 mai au Inlet Theatre, un hommage sera rendu au célèbre écrivain et savant persan Omar Khayam – s’il est considéré comme l’un des plus grands mathématiciens du Moyen Âge, il a aussi excellé en philosophie. Là encore, musique folklorique et écritures seront en vedette.

La culture persane ne se limite pas à celle d’hier retranscrite lors de rendez-vous ponctuels. Des artistes d’aujourd’hui basés à Vancouver s’efforcent de l’exprimer. Kambiz Sharif est l’un d’entre eux. Il a immigré sur la côte ouest canadienne en 2009. « Je suis venu rejoindre ma femme qui y vivait pour une année. Nous sommes restés », se souvient-il.

« La liberté d’expression au Canada a changé mon art »

Né en Iran, il s’est intéressé aux arts dès l’adolescence. Photographie, dessin, sculpture, il est multidisciplinaire. Ce trentenaire est aujourd’hui mondialement connu, il enchaîne les expositions sur différents continents, ses œuvres sont achetées par de grands collectionneurs. Son arrivée en
Colombie-Britannique a marqué un tournant dans sa vie, tant sur le plan artistique que personnel.
« Mon environnement m’inspire et influence mon art. Pour quelqu’un comme moi, originaire d’un pays frappé par la censure et des droits limités, vivre dans une démocratie où règnent la liberté de pensée et celle d’expression a changé beaucoup de choses. Au bout de six ans, j’ai la conviction d’avoir atteint un équilibre et cela se ressent dans ma manière de créer. »

Kambiz Sharif ne renie pas, pour autant, d’où il vient. Ses racines font ce qu’il est aujourd’hui. « Je me rends toujours en Iran de temps en temps. J’essaye d’y tenir une exposition par an. L’art est un langage universel qui peut conduire à de grandes choses. J’ose espérer que mes œuvres contribueront à faire évoluer mon pays. »

À travers ses œuvres, l’artiste Kambiz Sharif espère faire évoluer les mentalités. Ici, sa création intitulée Peace Weapon. | Photo par Iman Khalili

À travers ses œuvres, l’artiste Kambiz Sharif espère faire évoluer les mentalités.
Ici, sa création intitulée Peace Weapon. | Photo par Iman Khalili

Reyhaneh Bakhtiari a connu un parcours similaire. Iranienne elle aussi, elle a grandi à Téhéran, pinceaux à la main. Ses peintures sur huile figurant principalement des paysages et des divagations oniriques ont été présentées en Europe, en Chine, aux États-Unis et bien sûr en Iran et au Canada. Il y a quinze ans, elle posait ses valises à Vancouver avec, dans ses cartons, une centaine de ses tableaux. « Ça a été vraiment difficile au début. Le choc culturel, le quotidien, tout. Mon mari, mes deux enfants et moi-même nous sommes accrochés et maintenant nous sommes heureux », confie la mère de famille qui continue à s’investir au sein de sa communauté.

Le Nava Art Centre, lieu d’apprentissage et scène culturelle

Au Nava Art Centre aussi les débuts furent décourageants. « Notre but a toujours été de promouvoir les arts et la culture de l’Iran. Comme c’est le cas en général pour les minorités, il nous a fallu lutter pour ça », explique Golrokh Rezaeian, coordinatrice. Situé sur la route Capilano à North Vancouver, l’endroit se veut un lieu d’apprentissage. Des cours de sculpture, de calligraphie, de peinture, de farsi et de musique y sont dispensés. Des élèves y apprennent notamment à jouer de l’oud ou du setâr, deux instruments à cordes iraniens.

Depuis son inauguration en 2003, le centre n’a cessé de se développer au point de se doter d’un studio d’enregistrement en 2006. En tant que scène culturelle, il accueille également de nombreux artistes. Mi-avril, le chanteur et musicien Rahim Shahriari s’y est produit. Un incontournable de la culture iranienne avec quelque dix albums à son actif et des concerts à travers le monde.

Ce n’est pas un hasard si le Nava Art Centre a ouvert ses portes à North Vancouver. Un tiers des Iraniens installés dans la région du Grand Vancouver y ont élu domicile. D’après les chiffres du recensement de 2011, ils étaient 11 000 à vivre dans les quartiers nord sur un total de 35 700.

Il y a incontestablement un public pour les rencontres et activités qui mettent en avant l’identité persane. Sans parler de celles et ceux qui ne demandent qu’à la découvrir. Un vent persan souffle sur Vancouver et ce n’est pas pour déplaire à Kambiz Sharif. « Notre culture n’était pas assez visible auparavant en
Colombie-Britannique, mais cela change progressivement depuis quelques années. Je constate aussi que Vancouver est une jeune et petite ville comparé à d’autres points névralgiques canadiens comme Toronto ou Montréal. Il y a du potentiel ici », conclut l’artiste.

Le programme détaillé du festival explorAsian est consultable sur le www.explorasian.org.

L’exposition Out of My Homeland de Kambiz Sharif est présentée en ce moment à la Elliott Louis Gallery. Renseignements sur le www.elliottlouis.com